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du colombier natal et le désir d’y rentrer ? On a vu certains oiseaux regagner leur logis après cinq ans de réclusion ; on admet généralement qu’un pigeon de bonne race saura rentrer après un internement de six mois.

On s’est demandé au delà de quelle limite, à quelle distance du pigeonnier l’oiseau perd le sentiment de l’orientation. Des pigeons ont fait le voyage de Vienne et de Rome à Bruxelles, d’autres, vendus en Amérique, ont su retrouver en Belgique la maison de leur premier propriétaire.

Il est une condition qui rend tout au moins difficile dans bien des cas l’utilisation du pigeon voyageur : pour que deux correspondans entrent en relations par cette voie, il faut que chacun d’eux dispose d’un colombier ; un échange préalable de pigeons est enfin nécessaire pour assurer l’envoi des lettres dans les deux sens ; de là une perte de temps parfois considérable. On s’est alors demandé s’il ne serait pas possible de dresser des pigeons à quitter leur colombier porteurs d’une dépêche pour se rendre chez le destinataire et à rapporter la réponse : en un mot, à faire le voyage aller et retour. Si invraisemblable que la chose paraisse, ce résultat merveilleux a été obtenu avec une étonnante facilité. Voici par quels moyens : quelques pigeons appartenant par exemple a un colombier de Paris sont enfermés pendant un certain nombre de jours dans un colombier de Saint-Denis, où l’on a soin de leur servir à heure fixe un repas composé des graines dont ils sont le plus friands et qu’ils ne trouvent pas habituellement dans leur propre colombier. Les pigeons captifs sont au bout de peu de temps parfaitement au courant des habitudes de leur nouvelle demeure.

Quand on leur rend alors la liberté, ils partent joyeusement à tire-d’aile pour regagner le colombier de Paris, mais ils n’ont pas perdu le souvenir des bons momens passés pendant leur internement. Si donc, à Paris, on les laisse jeûner, ils ne manqueront pas de se présenter au colombier de Saint-Denis à l’heure précise où ils savent qu’une distribution de graines doit avoir lieu. Ils contracteront très facilement l’habitude de venir de la sorte une ou plusieurs fois par jour, à heure fixe, quémander un repas. Un exemple dont nous sommes souvent témoin montre bien que sous le rapport de l’exactitude le pigeon ne le cède en rien à l’homme : un de ces oiseaux exécutant le voyage aller et retour entre son colombier et un correspondant éloigné de quelques kilomètres, se présente chaque jour chez ce dernier à 1 heure moins 10 minutes pour manger cinq ou six grains de chènevis ; il repart aussitôt après, à moins qu’on ne le retienne pour le charger d’une dépêche. Le voyage aller et retour peut être très aisément organisé