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un va-et-vient incessant ont complètement modifié la face du monde. Nos pères demandaient aux sciences occultes, à l’alchimie de prolonger la vie humaine ; ne semble-t-il pas que ce problème désespérant soit enfin résolu ? Dans le trop court intervalle qui sépare le berceau de la tombe, l’homme réussit aujourd’hui à dépenser une activité qui eût suffi jadis à remplir plusieurs existences. Or cette intensité de vie provient d’une cause bien simple, la multiplicité et la rapidité des moyens de communication : la pensée à peine élaborée est aussitôt transmise et mise en œuvre ; un projet qui vient d’être conçu est instantanément réalisé. Si le monde actuel peut, avec quelque vraisemblance, être comparé à la locomotive lancée à toute vitesse, les moyens de transmission de toute nature, qui sont l’organe essentiel de l’activité contemporaine, représentent bien de leur côté la goutte d’huile qui est partout dans la machine, qui ne produit rien par elle-même, que personne ne voit et sans laquelle pourtant aucun rouage ne marcherait.

Les modes de correspondance si variés dont nous disposons ont tous leur raison d’être : chacun d’eux répond à une nécessité bien déterminée. Si donc les perfectionnement apportés aux services télégraphique et téléphonique nous faisaient rejeter comme superflue la poste aérienne, nous méconnaîtrions cette loi du progrès qui veut que l’homme accroisse sans cesse son domaine tout en gardant avec un soin jaloux le terrain déjà conquis : il doit de plus en plus utiliser pour son service toutes les forces de la nature. Les merveilleux engins imaginés pour transporter au loin la force motrice n’empêcheront pas la roue du moulin de tourner. S’il nous était donné d’évoquer le siècle à venir, il nous dirait sans doute, en montrant avec orgueil les inventions les plus ingénieuses destinées à multiplier les relations entre les hommes : « Ce câble qui traverse les mers va porter la parole jusqu’aux limites du monde, et cet oiseau qui vole à tire-d’aile, c’est encore la pensée de l’homme qui passe ! »


G. REYNAUD.