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III. — IMPOTS SUR LES TITRES

Les impôts qui pèsent sur les titres émis par les compagnies n’ont nullement le caractère d’une charge spéciale aux chemins de fer, et sont identiques à ceux qui frappent toutes les valeurs mobilières. Ils n’en constituent pas moins une recette budgétaire due au régime que la France a adopté pour réaliser la majeure partie du capital d’établissement de ses lignes, savoir : l’émission de titres par des sociétés anonymes. Si, comme en Allemagne, tous les chemins de fer étaient exploités par l’État, et si le capital avait été fourni par l’émission de rentes exemptes de tout impôt, cette recette n’apparaîtrait pas au budget. Si, comme pour les voies navigables et les routes, l’État avait assumé les dépenses d’établissement de la voie, en ne laissant à l’industrie que le soin de fournir le matériel roulant, le capital réalisé en actions et obligations eût été d’environ 2 milliards, au lieu de monter à près de 14 milliards, et les impôts donneraient un produit sept fois moindre. Il y a donc bien là une recette qui doit entrer en compte, dans l’étude des résultats financiers du régime des chemins de fer français.

La question de savoir à qui incombe définitivement la charge correspondante à chacune de ces taxes est assez complexe, comme toutes les questions d’incidence de l’impôt. Celui du timbre est dû par la société anonyme, en tant que personne morale, et figure dans ses dépenses annuelles, soit parmi les charges des capitaux, soit parmi les frais généraux de l’exploitation. Les autres impôts sur les titres sont dus par les porteurs, et la compagnie n’intervient que comme collecteur, pour le compte du fisc. Pour tous les titres émis depuis que ces impôts sont en vigueur, ceux-ci ont eu pour effet de déprimer le cours d’émission, car le particulier qui fait un placement ne paye le titre qu’en raison du revenu net qu’il en tirera ; les retenues faites sur les coupons, en raison de l’impôt, ont donc pour effet, en abaissant le cours, d’augmenter le nombre des titres à émettre pour réaliser un même capital, et accroissent d’autant les charges des emprunts. Pour les titres émis avant la création d’un impôt, cet impôt, le jour où il a été établi, a été une cause de dépréciation, par rapport aux capitaux mobiliers ou immobiliers dont le revenu n’était pas grevé simultanément d’une surcharge identique ; la valeur de chaque titre a diminué d’une somme correspondant à la réduction du revenu. De même, les relèvemens successifs du taux de l’impôt ont eu pour conséquence une réduction du capital possédé par