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niaises que celles de mon confrère M. Walckenaer sur les fables de La Fontaine : Lionceau, le petit d’un lion, etc.

Je vois par mon journal que le fils de la duchesse d’Albe est hors d’affaire. Quant au choléra, je ne sais qu’en penser.

Je viens de commencer la lecture d’un livre assez curieux. C’est un tableau du clergé séculier en Russie, écrit en russe, mais de l’autre côté de la frontière, par un prêtre russe, à ce qu’on dit. Cela est fort difficile à lire, parce que je suis obligé continuellement d’avoir recours au dictionnaire, et puis parce que l’auteur écrit avec une certaine emphase orientale particulière à la langue de l’Eglise dans son pays, mais cela est fort intéressant. On m’assure que cela est très vrai. Il est évident qu’il va y avoir un schisme en Russie. Il y a déjà 11 millions de sectaires. L’Eglise russe, comme l’Eglise anglicane, est une institution politique organisée par Pierre le Grand. Si le pouvoir spirituel est enlevé aux tsars, le temporel en souffrira beaucoup. Nous aurons un protestantisme grec.

Adieu, madame, on vient me chercher pour me mener à l’Institut. Je ne veux pas tarder à vous envoyer ce mauvais croquis, car vous avouez que vous aimez la promptitude.

Veuillez agréer l’expression de tous mes respectueux hommages.

Mercredi.


15 août 1859.

Madame,

Autrefois j’ai su assez bien et en détail l’histoire du schisme d’Orient pour en avoir souvent causé avec un grand théologien, mais j’ai à peu près tout oublié. Il me semble que la querelle vint vers le IXe ou Xe siècle lorsque Photius, que nous révérons parce qu’il nous a conservé des renseignemens intéressans sur les auteurs grecs, se querella avec le pape Nicolas sur le symbole. Les Latins avaient ajouté à cette phrase : « Nous tenons que le Saint-Esprit procède du Père et du fils ». Photius disait que c’était une impiété. Je crois que cette dispute se rattache à une autre plus ancienne sur la question de savoir si le fils était consubstantiel ou pareil au Père. En grec, les mots se ressemblent à un i près : Omoousios ou omoiousios. Tout cela rentre dans les mystères. La grande distinction entre la croyance grecque et la latine, c’est que la première a été beaucoup plus tolérante et moins soucieuse de la puissance temporelle. En Russie, c’est la religion, qui a empêché l’asservissement du pays aux Polonais vers 1612. Pierre le Grand, qui n’avait aucune croyance religieuse, voulut rendre-le clergé russe encore plus docile qu’il n’était. Il destitua le