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de l’or et en l’omnipotence de la haute banque est devenue un dogme populaire ; si bien qu’on aurait tort d’en sourire, et que force nous est de chercher ce qu’il s’y mêle de vrai et de faux.


II

Une des choses le plus souvent reprochées à la finance, a la haute banque notamment, c’est d’être cosmopolite. On se plaît à signaler en elle une sorte d’Internationale, l’Internationale de l’or, l’Internationale jaune, autrement puissante et non moins dangereuse que l’autre, l’Internationale rouge, l’Internationale prolétarienne.

Les princes de la finance, entend-on répéter, sont, eux aussi, des sans-patrie ; ils ne tiennent pas au sol sur lequel ils vivent, alors même qu’ils y sont nés. Beaucoup, parmi eux, sont des hommes d’une autre race, d’une autre religion. Ils ont beau édifier leurs hôtels sur les avenues de nos capitales, ou bâtir des châteaux à la lisière de nos forêts, ils ne sont qu’en apparence fixés parmi nous ; ils ne prennent point racine dans la terre de France. Ils n’identifient pas leur vie et leur fortune avec le pays où ils résident. A vrai dire, ajoutent les plus indulgens, ce n’est pas leur faute, ni même celle de leur origine ou de leur race ; c’est celle de leur profession. L’or n’a pas de patrie ; il ne connaît que ses intérêts ; juifs ou non, les ministres de l’or, les gros banquiers, ne voient dans les peuples et les Etals qu’une mine à exploiter. Ils ont soin, d’habitude, d’asseoir leur fortune sur plusieurs pays à la fois. Ils nouent, sans scrupule, des alliances par-dessus les frontières. Ils lient volontiers partie avec tous les États, ne voyant en tous que des cliens à pressurer, et, pour en extraire un peu plus d’or, ils ne craignent pas de les mettre aux prises les uns avec les autres ; en cela encore, ils font leur métier, car guerre ou-paix, la vie des nations n’a pour eux d’intérêt qu’autant qu’elle intéresse leur bilan. Victoire ou défaite, conquête ou démembrement, peu leur importe ce qui met les peuples en joie ou en deuil, pourvu que se remplissent leurs caisses.

Voilà, me semble-t-il, dans toute sa gravité, un des griefs les plus populaires contre la finance et les financiers. C’est ici, particulièrement, qu’il importe de démêler le vrai du faux. Il est très vrai que, à certains égards, la banque, la finance, sont cosmopolites. Ou mieux, pour être plus exact, au risque de complaire aux socialistes, je dirai que, en un sens, c’est le capital lui-même qui est cosmopolite. Sous ce rapport, il me semble l’avoir déjà