Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/856

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servi était particulièrement mauvais, outre cela je n’ai plus ni yeux ni main, et je n’ai pas eu l’esprit de me pourvoir d’un pinceau neuf. Enfin, puisque cela vous a fait quelque plaisir, j’ai réussi. Mettez-le dans un carton, Ou vous verrez tous les rouges disparaître et les violets devenir tout bleus. J’ai oublié de vous dire que l’original était de la grandeur de demi-nature.

Comme je ne suppose pas que vous ayez beaucoup de goût pour les batailles, je ne vous ai pas envoyé les cartes à joindre au dix-septième volume de M. Thiers. Si vous y tenez, elles sont à vos ordres, mais je crois que le pays vous est bien connu, puisque vous y avez un château. J’ai vu l’auteur avant-hier. Il est très heureux de son succès. Sept mille nouveaux souscripteurs depuis le seizième volume, et on tire à cinquante mille exemplaires. Il y a encore deux volumes dont le premier sera l’histoire des dix mois de la Restauration et du congrès de Vienne, sur lequel il a eu des communications très curieuses de plusieurs ministres, entre autres de M. de Metternich. Ce qu’il m’a dit du caractère de Louis XVIII m’a très intéressé et m’a paru vrai.

Je n’ai pas reçu une ligne des C… J’ai laissé le fils s’ennuyant et le père ne s’amusant pas trop : le premier calomniant le climat parce qu’il ne comporte pas les toilettes des salons de Paris, seul objet de son admiration ; le second parce qu’il n’a plus la force nécessaire pour faire de grandes courses. Il n’y a pas de mistral à Cannes, mais du libeccio, qui est quelquefois très désagréable, comme cette année par exemple où il y avait beaucoup de neige en Italie. Je prêchais le mariage à Ed… quand j’étais à Cannes, et il me répondait des niaiseries. Le paraître est la grande affaire pour lui, et comme la plupart des jeunes gens de ce temps, la plus jolie femme du monde ne lui plaisait pas si elle n’avait pas une robe et une tournure chic. J’ai été plus romanesque dans mon temps, mais j’ai peut-être eu tort.

Vous savez donc le latin, madame, car vous l’écrivez à merveille. Ce latin que Cicéron aurait pris pour du langage barbare, est assez beau ; mais les mêmes magnifiques paroles existent dans toutes les religions. On en disait autant aux initiés aux mystères d’Eleusis, mais en bon grec. Changer les ténèbres en lumière, ne se peut ; mais, quand on ferme les yeux de parti pris, on voit trente-six mille bougies, comme disait le baron de Vidille, qui ne pouvait se résoudre à prononcer le mot plébéien de chandelles.

J’ai lu avec plaisir quelques pages de l’abbé Cruice. Il est trop concis et pas trop clair. Ce qu’il dit des premières hérésies m’intéresse, mais je n’y comprendrais absolument rien si je n’avais lu quelques bouquins sur le même sujet. Je voudrais qu’il eût