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PROMENADES ARCHÉOLOGIQUES

A PROPOS DE GOUGGA ET D'EL-DJEM

Je demande la permission aux lecteurs de la Revue de les ramener dans cette Afrique où je les ai déjà conduits il y a deux ans[1]. Je ne les y retiendrai pas longtemps cette fois ; c’est un simple supplément d’information que je veux leur donner.

Notre résident général en Tunisie, M. René Millet, qui aime ce pays avec passion, qui en connaît à fond toutes les ressources, et qui rêve pour lui un grand avenir, souffre de voir qu’il n’est pas aussi apprécié qu’il devrait l’être. Pour en répandre la connaissance et le goût, il a eu la pensée d’inviter toute une caravane de journalistes, de députés, d’économistes, de savans de toute sorte, à venir le visiter avec lui, et il a tenu à leur en faire les honneurs. Ce voyage a été un vrai tour de force. Une soixantaine de Parisiens se sont hardiment jetés au cœur d’un pays qui n’a guère de routes et fort peu d’auberges ; à cheval, à mulet, en voiture, ils ont supporté de longues journées de fatigue, dormi au besoin sous la tente, gravi des montagnes abruptes, traversé des steppes interminables, passé des fleuves à gué, solennellement accueillis par les caïds aux portes des villes, escortés le long du chemin par les cavaliers des tribus, qui les saluaient de leurs fusillades, foulant aux pieds, sur leur route, les débris de six ou sept civilisations éteintes et d’autant de religions disparues. Ceux qui, pendant ce mois d’avril, ont suivi M. Millet, de Carthage au pays des Troglodytes, en passant par Bizerte, Teboursouk, le Kef et Kairouan, s’en souviendront toujours comme d’un rêve.

Quelques archéologues étaient du voyage ; et je ne pense pas

  1. Voyez la Revue des 15 janvier, 15 février, 1er avril, 1er juillet, 15 août et 15 novembre 1894.