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ou auraient pu siéger beaucoup plus d’une centaine de membres des principaux parlemens d’Europe et une douzaine d’administrateurs de quelques-unes des plus grandes communes de France.

Aussi bien l’insuccès de cette tentative prématurée de reconstitution des grandes conventions internationalistes atteste-t-il tout simplement le changement de méthode du socialisme, qui va désormais du simple au composé, du national au cosmopolite et qui a poussé dans le sol de nos vieilles communautés européennes de bien autres racines qu’avant 1870. Voilà la vérité. Elle est incomparablement moins rassurante pour les amis de l’ordre que les légendes auxquelles ont donné naissance le fiasco comparatif du Congrès de Queen’s-Hall, et surtout la mésaventure survenue aux pontifes du socialisme parlementaire français. Il a paru plus utile de mettre en lumière l’état réel des choses que de rééditer des plaisanteries usées sur la décomposition socialiste. La vérité est que, si le Congrès de Londres a démontré que les temps ne sont pas encore mûrs pour une sorte de cosmopolitisme communiste, il a révélé l’immensité des progrès accomplis dans les principaux pays d’Europe depuis vingt-quatre ans, — depuis les obsèques de l’Internationale à la Haye, — par le parti de la révolution sociale. Shakspeare, qui a tout vu, a mis dans la bouche de son Jack Cade la prédiction de l’avenir que certains des chefs de ce puissant mouvement voudraient faire à nos sociétés. Ce socialiste avant le temps promet au peuple « de le vêtir tout entier d’une seule livrée, afin qu’ils puissent tous s’accorder comme des frères. » L’heure de la fraternité universelle ne semble pas avoir encore sonné, mais celle de la livrée uniforme n’est peut-être plus aussi loin qu’on se plaît à le croire.


FRANCIS DE PRESSENSE.