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Il va sans dire que toutes les parties de ce vaste domaine colonial ne sont pas également connues. Quelques belles explorations que nous devions aux Binger, aux Marchand, aux Ménard, aux Beau, aux Bretonnet, aux Treich-Laplène, la carte de la Côte d’Ivoire contient et contiendra pendant quelque temps encore des « blancs », de vierges espaces qui tenteront successivement le courage et la curiosité des voyageurs. La plus mystérieuse encore de ces régions est, quant à présent, la partie occidentale de la colonie que les indigènes appellent le pays de Krou. Des légendes courent sur les mœurs farouches, — on va même jusqu’à dire anthropophages, — de ses habitans. Sans s’attarder à ces exagérations, on peut regretter que l’état particulièrement impraticable des sentiers et le nombre élevé des rapides qui y obstruent le cours des fleuves aient jusqu’ici opposé de graves obstacles à la bonne volonté des explorateurs. On sait quelle fin lamentable était réservée à la mission Quiquerez-Segonzac qui, en 1891, avait tenté de remonter le San-Pedro ; plus récemment l’administrateur Pobéguin est parvenu, au prix de mille difficultés, à relever tout le cours inférieur du Sassandra ; mais la multiplicité des barrages, après quelques jours de pirogue, eut raison de sa ténacité et l’obligea à revenir sur ses pas. Les renseignemens assez tronqués qui nous sont ainsi parvenus sur cette Côte de Krou encore inexplorée tendraient à la représenter comme plus accidentée, plus rocheuse, plus granitique et dioritique principalement que la partie orientale de la colonie. De la mer, en effet, il est loisible d’apercevoir quelques cimes dans l’intérieur, en même temps que la présence de nombreux récifs, le long de la côte jusqu’au cap des Palmes, modifie assez sensiblement en certains endroits le phénomène de la barre.

De la rivière Bandama, en revanche, au Tanoé, frontière naturelle orientale, la géographie de la Côte d’Ivoire est beaucoup mieux connue. Le Baoulé, dont le capitaine Marchand s’est fait l’infatigable pionnier, le bassin du Comoé, qu’ont révélé les beaux travaux du capitaine Binger, aujourd’hui gouverneur, le Samwi, qu’a sillonné en tous sens ce brave et généreux Treich-Laplène mort à la tâche, sont aujourd’hui des contrées parfaitement décrites et cartographiées. L’auteur de ces lignes a eu l’honneur d’en ajouter une nouvelle à cette liste déjà brillante. L’Attié, vers lequel la fâcheuse réputation des habitans avait jusqu’ici retardé la pénétration française, l’a favorablement accueilli et a conclu avec lui des conventions d’amitié qui assurent désormais une réception cordiale aux commerçans européens. La richesse de ce pays en caoutchouc, en huile de palme et en or rendait