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démontrant avec succès que la terre de Guinée sait rémunérer largement ceux qui mettent un peu de temps et de patience à la gratter. On ne saurait assez le répéter, il y a, dans cette initiative prise par la maison Verdier un premier pas habile et courageux qui doit être hautement apprécié. Le personnel est même parvenu à obtenir de la main-d’œuvre sur place et à réunir les travailleurs noirs en trois villages voisins dépendant moralement de la plantation.

Quant à la production, elle s’élève annuellement à 40 ou 50 tonnes fournies par 125 hectares, soit 125 000 pieds de café en plein rapport, et l’on peut hardiment affirmer que sans des tâtonnemens extrêmement fâcheux au début de l’installation, la production serait supérieure d’un bon tiers à ce qu’elle est aujourd’hui.

La plantation d’Elima, aménagée avec des pousses venues du Libéria, constitue, quant à présent, la seule exploitation agricole importante de la Côte d’Ivoire, mais tout porte à croire qu’elle ne restera plus fort longtemps isolée. D’autres cultures similaires vont, en effet, être tentées prochainement au Cavally, d’autres encore, dit-on, dans les environs même d’Elima. Le café n’est pas, au surplus, la seule plante équatoriale dont on puisse espérer tirer un sérieux profit. De petites plantations de cacao, installées par des traitans intelligens et actifs, ont jusqu’ici donné d’excellens résultats. Si la période d’improductivité du cacaoyer (6 à 7 ans) est plus longue que celle du café (4 à 5 ans), elle est compensée, dans la suite, par une diminution très sensible des frais d’outillage et de traitement de la graine, la culture du café exigeant toujours la construction d’une usine proportionnée à l’exploitation. Le coton, qu’on rencontre à l’état sauvage et en abondance, surtout dans l’Attié, serait certainement susceptible d’une culture étendue. Les femmes indigènes de ce dernier pays sont presque sans exception bonnes fileuses et tissent elles-mêmes ces pagnes indigènes blancs à bandes bleues d’une extrême solidité qu’on rencontre en si grand nombre dans l’Attié d’abord et dans l’Indénié. On objecte, il est vrai, que la culture du coton est aujourd’hui peu rémunératrice et que la fibre de la plante indigène est trop courte. On remédierait sans doute à ce dernier inconvénient en important, comme on l’a fait pour le café libérien, une espèce déjà amendée, améliorée dans quelques autres colonies. Il convient d’émettre semblable observation à l’égard du tabac, que nous avons maintes fois rencontré d’une belle venue sauvage dans la forêt : nul doute assurément que, cultivé, entouré de soins, il n’arrive à prospérer dans un pays où la nature elle-même l’appelle à vivre.