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Tous les journaux rendaient compte des séances de l’Académie des sciences et prenaient parti dans les discussions. Pour chaque journal et pour chaque membre de l’Académie on savait d’avance dans quel sens. Chaque fois qu’Arago prenait la parole, le National s’étonnait qu’un talent si parfait eût pu grandir encore, et le Journal des Débats déplorait la décadence rapide des qualités autrefois brillantes, auxquelles il serait heureux de rendre justice s’il en restait la moindre trace.

Un fruit sec de l’Ecole polytechnique, gardant souvenir de ses faibles études et ne manquant ni d’esprit ni de style, se faisait remarquer dans le feuilleton d’un grand journal par la profondeur de ses connaissances mathématiques. Quand une discussion s’élevait entre Le Verrier et l’un de ses confrères, non seulement il donnait tort invariablement à l’inventeur de Neptune, mais il manquait rarement de se récrier sur l’audace de ce calculateur osant contredire des géomètres, de ce maçon refusant de s’incliner devant les architectes.

Libri lui-même avait des partisans, et les journaux ministériels lui étaient en toute occasion favorables.

Les journalistes, traitant à l’improviste toutes les questions et trouvant tout facile, donnaient quelquefois de singulières surprises. Un folliculaire, non des moins importans, voulant louer les recherches de Bessel sur la parallaxe de la soixante et unième étoile de la constellation du Cygne, annonçait aux astronomes comme une heureuse nouvelle que l’on allait enfin connaître la distance du soixante et unième Signe du Zodiaque.

Le prédécesseur de Léon Foucault au Journal des Débats apprenait un autre jour à ses lecteurs qu’il existe trois sections coniques : les deux premières, l’Ellipse et la Parabole, étant des courbes fermées, une comète peut les parcourir, mais la troisième, l’Hyperbole, est composée de deux branches distinctes ; aucun astre ne peut la décrire, car lorsqu’il parviendrait à l’extrémité de sa limite, il s’élancerait dans l’espace, et Dieu sait ce qu’il y deviendrait ! Ces juges sans appel de tous les mérites instruisaient des milliers de lecteurs. Les savans les plus illustres riaient de leurs bévues, sans dédaigner leurs louanges. Quand ils s’étaient montrés bienveillans dans un grand journal, on les remerciait avec effusion, affectant d’oublier, sans oser les traiter de maîtres, qu’ils n’étaient pas même des écoliers.

La publication des Comptes rendus, en 1835, vint atténuer les inconvéniens d’une publicité arbitraire et partiale. Les avantages étaient grands, et après avoir publié cent vingt volumes, nous pouvons déclarer avec une légitime fierté que les Comptes rendus