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son ami, lui en avait demandé l’explication. Arago le rassure, affirme et feint de croire que les traits décochés en apparence contre l’académicien, sont destinés au député de l’opposition. Je n’en crois rien pour ma part, l’article de Libri n’était destiné ni à l’homme politique, ni au secrétaire de l’Académie des sciences, mais à l’ancien ami, qui, dans des occasions où la science n’était pas en jeu, avait eu à se plaindre de lui ; celui de Pontécoulant s’adressait à l’académicien qui, dans une élection récente, avait écrit sur son bulletin le nom de Liouville.

Ne commettrais-je pas une énorme faute, dit Arago, si, en matière de sciences, je me reconnaissais justiciable du premier venu ? Il ne veut pas répondre à l’article de la Revue des Deux Mondes. Malgré ses constantes prières, l’auteur qui l’a écrit a refusé de se nommer. Quant au Journal des Débats, il tient les articles signés Donné pour complètement anonymes. Les titres de membre de la Société Royale de Londres et de l’Académie de Berlin ne peuvent être dédaignés ; il montrera, en discutant les écrits de Pontécoulant, ce que vaut celui à qui l’on a donné le droit de s’en faire honneur.

Pontécoulant était un astronome géomètre. Arago le prend corps à corps, et quiconque lira cette lettre à Humboldt aura peine à comprendre l’imprudence du confrère qui, le connaissant bien, lui reprocha l’ignorance des mathématiques.

La lettre à Alexandre de Humboldt, pleine de science et pleine d’esprit, d’un esprit un peu gros, — c’était sa manière, — est aussi cruelle que la diatribe du docteur Akakia. Les Hoches à pointe aiguë de Voltaire sont remplacées par des coups de massue qui, bien assénés, permettaient aux amis de l’auteur de substituer dans l’intimité au nom de la victime, celui de « Pontécoulé » et à Arago, — j’ai dit que ses plaisanteries étaient grosses, — de parler de la mécanique « pontécoulanienne ». Les bévues signalées à plus de dix mille lecteurs avaient été découvertes par Arago, et par ses amis il faut le dire, dans un livre de hautes mathématiques Arago les discute avec une supériorité qui ne permet pas la réplique, et une clarté que tous peuvent apprécier.

L’attaque d’Arago, — il est difficile de lui refuser ce nom, — avait la forme d’une lettre à Alexandre de Humboldt, Pontécoulant tenta d’y répondre par une lettre adressée à Encke, secrétaire perpétuel de l’Académie de Berlin, qu’il semblait prendre pour juge, et qui, prudemment, garda le silence.

La réponse de Pontécoulant est faible et maladroite. Pontécoulant concède toutes les erreurs qu’on lui reproche, et se plaint seulement qu’on en exagère l’importance. Les unes