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pénible qu’une campagne aux colonies ; en raison des effectifs considérables qui y figureront, le cantonnement y sera impossible, les approvisionnemens de vivres pourront souvent faire défaut, les privations de toutes sortes, les fatigues ne manqueront donc pas. Les hommes faits y résisteront mieux que les jeunes soldats de vingt ans. Et alors, que deviendra, dans ces conditions, une armée active du temps de paix, composée exclusivement de ces jeunes gens de vingt ans, et considérée comme le cadre et le noyau des formations de guerre ? Elle tendra à disparaître, ne laissant sur le théâtre des opérations que les hommes déjà âgés et plus robustes des réserves, pleins de bonne volonté sans doute, mais privés ainsi de tout encadrement.

Cette opinion est celle d’un ancien ministre de la guerre, M. le général du Barail, qui dernièrement écrivait ce qui suit :

« Dans l’état actuel de l’Europe, une guerre maritime aurait pour corollaire obligé une guerre continentale. C’est donc la puissance et la force de notre armée nationale qui doivent être l’objet des premières préoccupations.

« On veut retenir dans les troupes spéciales destinées au service des colonies des hommes dans toute la force de l’âge, parce qu’ils montrent plus de résistance aux climats meurtriers, et dans cette louable intention il est question de leur accorder certains avantages pécuniaires. C’est donc que l’on est persuadé que des hommes de vingt-cinq à trente ans, par exemple, sont plus résistans, plus robustes que le jeune soldat dans son premier congé.

« Mais alors, s’il en est ainsi, pourquoi ne pas faire le même avantagea l’armée nationale, dont le rôle plus important encore consiste à défendre l’intégralité du territoire contre les attaques de l’étranger ?

« Les réserves, me dira-t-on, sont là pour fournir ces hommes. Non. Les réserves ne suffisent pas. Il faudrait qu’il y eût dans chaque compagnie, escadron ou batterie, quelques soldats vraiment d’élite, c’est-à-dire des soldats de métier ou de vocation. »

Les services de deux et trois ans, tels qu’ils sont appliqués, présentent encore un autre inconvénient, celui de fournir pour chaque arme des réservistes en nombre tantôt insuffisant ou tantôt excessif. Les nombres de réservistes, créés annuellement par le départ des classes libérées du service actif, ne répondent pas aux besoins des armes.

Au point de vue des incorporations annuelles et des exigences