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La réduction des charges imposées au pays par le service militaire soulève une question d’ordre plus délicat et qui est de nature à donner lieu à de sérieuses controverses. Il doit rester entendu, en effet, qu’en temps de paix, comme en temps de guerre, tout citoyen français doit le service personnel à son pays. Cette disposition est indispensable, en temps de guerre pour assurer le nombre, en temps de paix pour donner l’instruction militaire nécessaire à tout soldat français.

C’est sur cette instruction militaire du temps de paix qu’il s’agit de s’entendre ; car c’est là le point de départ, le point essentiel d’un nouveau système de recrutement.

Actuellement, l’homme appelé pour trois ans sous les drapeaux ne fait réellement que deux ans et dix mois de service : cette durée de service n’est même pas atteinte en raison des permissions et des indisponibilités. Ce temps peut-il, sans inconvénient, au point de vue de l’instruction militaire proprement dite, être réduit à quinze mois ?

Il semble que dans de nouvelles conditions d’organisation de l’armée on puisse répondre hardiment oui.

Si l’homme de recrue est en contact permanent avec de vieux soldats, choisis avec soin, imprégnés d’esprit militaire, il recevra, pendant ses quinze mois de service seulement, une instruction et surtout une éducation militaires certainement plus fortes que pendant les deux ans et quelques mois qu’il fait actuellement au milieu de ses pareils, lesquels ne songent qu’à une chose, compter les jours qui les séparent de leur libération.

D’ailleurs, en envisageant la chose en elle-même, l’instruction militaire proprement dite et indispensable peut s’acquérir en un an pour le fantassin et même à la rigueur pour le cavalier et l’artilleur, s’ils sont bien doués. Aujourd’hui, après les grandes manœuvres, au bout de sa première année de service, l’homme n’est-il pas considéré effectivement comme instruit, comme ancien soldat et traité comme tel ? Renvoyé à ce moment dans ses foyers et rappelé de temps en temps à des périodes d’instruction, il fera un aussi bon réserviste, que s’il avait passé une année de plus dans le service d’activité.

Il n’est donc pas téméraire de dire qu’une classe de recrues, versée pour un an et quelques mois dans des corps composés de vétérans, peut y acquérir l’instruction militaire indispensable à tout homme des réserves. Par le contact qu’ils subiront, ces jeunes gens auront même certainement plus d’esprit militaire qu’ils n’en ont aujourd’hui.