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Nouvelle-Galles, et de 11 3/4 pence (1 fr. 23 j à 10 pence (1 fr. 05) pour celle de Victoria, la situation des propriétaires de troupeaux est au contraire devenue fort peu enviable. Pris entre les banques, qui les pressent de rembourser les avances qu’elles leur ont faites, et les tondeurs de moutons, constamment en grève, ils ne savent à quel saint se vouer. Durant la grande grève de 1894, les squatters, décidés à ne plus céder aux exigences des tondeurs, ont dû parfois, eux et leurs familles, prendre les cisailles ou plutôt les machines perfectionnées qui servent en Australie à recueillir la laine, à cause de la difficulté de recruter un personnel suffisant. Depuis un an, une hausse des prix est venue leur donner un peu de répit et améliorer leur position.

A côté des crises, des grèves, de la baisse de la laine, parfois du manque de bienveillance des gouvernemens, les infortunés squatters ont encore à combattre un autre ennemi, dont on a peine en Europe à parler sans sourire, et qui cependant est terrible. Ce fléau, que les colons eux-mêmes ont introduit, croyant n’amener qu’un gibier inoffensif, c’est le lapin. Dans ce pays à peine peuplé, dont le climat paraît leur être particulièrement favorable, les rongeurs ont pullulé. Dans les régions où ils sont nombreux, ils mangent toute l’herbe jusqu’à la racine, n’en laissant plus pour les moutons. La nécessité aidant, ils sont même, dit-on, devenus grimpeurs, et, s’ils ne peuvent encore monter sur les grands arbres, du moins s’élèvent-ils sur les eucalyptus rabougris qui couvrent certaines parties de l’intérieur, et en mangent-ils toutes les feuilles lorsque l’herbe leur manque. Un district est-il envahi par les lapins, c’est la ruine à bref délai des squatters qui l’occupent et dont les moutons meurent de faim. On ne peut comparer l’effet de l’invasion des rongeurs qu’à celle des criquets : ils ont tôt fait de transformer le plus beau pâturage en une étendue aride, aussi dénuée d’herbe que le macadam des voies les plus fréquentées d’une grande ville. Les gouvernemens australiens ont institué des prix de plusieurs centaines de mille francs pour récompenser les inventeurs de procédés d’extermination rapide. On n’en a point trouvé de pratique jusqu’à présent. Ils ont payé des primes élevées à la destruction des lapins : 25 millions ont été tués en Nouvelle-Galles dans une seule année : leur nombre n’en a pas paru diminué. En désespoir de cause, les squatters se sont décidés à construire des barrières pour limiter du moins l’invasion : ces barrières sont constituées par des grillages de fil de fer s’enfonçant de trente centimètres dans le sol. Le gouvernement de la Nouvelle-Galles en a fait élever un sur une longueur ininterrompue de 1130 kilomètres :