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vignes et d’une culture vraiment artistique, conserveront bien des années l’avantage sur ceux de l’Australie, auxquels la jeunesse des plants, l’inexpérience de viticulteurs novices, des conditions de climat moins favorables, la longueur du voyage, rendront toujours la lutte difficile. Dût-elle même fournir un jour à la plus grande partie de la consommation anglaise, la viticulture australienne n’en deviendrait pas encore une des industries importantes des colonies. Il faudrait, pour qu’elle atteignît ce rang, que la consommation locale augmentât énormément ; elle n’est en moyenne que d’un peu plus de 3 litres par tête et par an dans l’ensemble de l’Australasie, variant de 0 l, 60 en Tasmanie à 10 litres dans l’Australie de l’Ouest. Dans les deux grandes colonies productrices de Victoria et de l’Australie du Sud, elle atteint à peine 4 litres à 4 litres et demi. Il est difficile de faire renoncer une population à des boissons dont elle a l’habitude héréditaire : les Anglo-Saxons ont celle de la bière et du whiskey. Ils apprécient peu le vin, qui se vend d’ailleurs beaucoup plus cher en Australie que la bière ; les vins les plus communs sont vendus dans l’Australie du Sud par les producteurs 65 à 70 francs l’hectolitre, rendus à Adélaïde ; on les paye chez les détaillans de même qu’à Melbourne, au moins 0 fr. 80 à 0 fr. 90 le litre. Les vins un peu supérieurs se vendent le plus souvent par caisses de 12 bouteilles d’un litre, et l’on en obtient d’assez agréables, blancs ou rouges, à partir du prix de 15 à 18 francs la caisse. Ce ne sont pas là des conditions qui permettent au vin de devenir une boisson populaire. On se rend facilement compte, dans les clubs, dans les restaurans, que, même chez les classes élevées, il reste un objet de demi-luxe tout au moins, dont on ne se sert qu’en médiocre quantité. D’autre part, l’élévation du prix de la main-d’œuvre rend l’abaissement de ceux du vin difficile. Il est impossible de trouver un homme pour biner la vigne, ce qui n’est pas un travail pénible, à moins de 5 fr. 60 par jour ; il l’aurait fallu payer 6 fr. 85 avant la crise de 1893 ; tous les autres ouvriers sont payés à l’avenant. Aussi les viticulteurs australiens, non contens d’être protégés par des droits énormes de 6 fr. 25 à 7 fr. 50 le gallon de quatre litres et demi, demandent-ils encore des primes à leurs gouvernemens.

Bien d’autres cultures ont été essayées en Australie, surtout dans ces dernières années, mais sont encore pour la plupart à l’état expérimental. Quelques-unes d’entre elles seraient susceptibles d’extension à l’avenir : celle des arbres fruitiers est de ce nombre. La portion du globe où se trouvent les colonies anglaises des antipodes étant tournée vers le soleil lorsque notre