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publiques, dû principalement à la construction des réseaux de chemins de fer, qui étaient à peine ébauchés à son début. En dehors des emprunts gouvernementaux, les capitaux apportés par les immigrans l’emportèrent sur ceux qui furent prêtés par les habitans de la mère-patrie. De 1881 à 1892, il n’en fut pas de même, et l’augmentation des dettes australiennes, tant publiques que privées, prit des proportions gigantesques. Les gouvernemens et les municipalités empruntèrent 2 935 millions ; les immigrans apportèrent 875 millions ; mais, en outre, 2 305 millions d’argent anglais vinrent chercher en Australasie, dans des entreprises de toutes sortes, un emploi plus rémunérateur qu’ils n’en pouvaient trouver en Europe, où le taux de l’intérêt s’abaissait tous les jours. D’autre part, 600 millions avaient été retirés de leur emploi en Australie par leurs possesseurs ou transférés d’une colonie à une autre et doivent être retranchés des sommes que nous venons de citer.

Cet énorme afflux de capitaux dans les douze années 1881-1892 n’était plus l’indice d’un développement sain ; il accompagnait une augmentation excessive de la population urbaine, et toute cette période fut caractérisée par une spéculation énorme portant surtout sur les biens-fonds, en particulier sur les terrains des villes, par une inflation générale. Les cinq milliards et demi introduits en Australasie de 1881 à 1892 développèrent à peine autant la production de ce pays que l’avaient fait les 1 800 millions apportés de 1871 à 1881. En 1871, la valeur totale de cette production était évaluée à 1 410 millions de francs ; en 1881, à 2 190 millions, en 1891 à 2 940. C’est un fait bien connu que les premiers capitaux appliqués à la mise en valeur d’un pays sont toujours plus productifs que ceux qui suivent ; mais l’effet de cette loi avait été exagéré aux antipodes par la furie des travaux publics et des constructions de chemins de fer, qui atteignit l’Australie comme elle avait atteint peu de temps auparavant la France et beaucoup de pays d’Europe. La plupart des lignes utiles étaient achevées en 1880 ou l’ont été peu après avec des capitaux empruntés avant cette époque. Les énormes emprunts d’Etat contractés depuis lors furent en grande partie gaspillés en prétendus reproductive works qui ne produisirent presque rien ; quant aux compagnies particulières qui se fondèrent, ce furent des sociétés financières et immobilières de spéculation, beaucoup plus que des entreprises destinées au développement réel des ressources du pays.

C’est à Melbourne surtout que l’on peut se rendre compte de ce qu’a été le boom, la grande période d’inflation et de