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mis leurs fonds en dépôt dans des banques, le plus souvent à six mois ou un an. C’était un placement des plus avantageux puisque, de novembre 1881 à février 1893, l’intérêt servi aux dépôts a un an dans les principales banques fut en moyenne de 5 pour 100 et ne descendit jamais au-dessous de 4 pour 100. Aussi, au début de 1892, plus d’un milliard de francs étaient déposés dans les 27 principales banques australiennes par des capitalistes britanniques, en dehors des 2800 millions que le public australien leur avait confiés. Une partie de cette dernière somme provenait, il est vrai, de comptes courans auxquels il n’était servi aucun intérêt. Néanmoins, il restait plus de 3 milliards de francs, auxquels il fallait payer un intérêt de 5 pour 100 ; les profits tirés des opérations de banques proprement dites n’y auraient jamais suffi. Aussi les banques australiennes les considéraient-elles comme tout à fait secondaires : elles distribuaient le crédit foncier, le crédit agricole, prêtant sur les terres, sur les maisons, sur le bétail, la laine, les récoltes, sur tous les gages qu’on leur présentait, et de la façon la plus imprudente, sans tenir compte de l’inflation énorme des prix des immeubles, de la difficulté de réalisation, des chances de dépréciation. Elles fondaient des building societies, des sociétés de construction à Melbourne ; elles spéculaient sur les terrains. L’industrie pastorale était des plus florissantes alors, les cours de la laine étaient élevés, et les squatters empruntaient pour augmenter leur exploitation, souvent aussi pour acheter les terres dont ils n’étaient que locataires, afin de les mettre à l’abri des free selectors, des immigrans nouveau venus auxquels les lois foncières permettaient d’acquérir du gouvernement certaines terres, même lorsqu’elles étaient déjà louées pour la pâture : les banques leur ouvraient largement leurs caisses : elles avaient en général commencé par prêter sur les troupeaux et se trouvaient entraînées à augmenter leurs avances pour faciliter l’achat du sol, de crainte que l’occupation d’une partie de la station par les free selectors ne vînt altérer la valeur de leur gage.

Emprunter à court terme et à un taux élevé, faire avec l’argent qu’on s’était ainsi procuré des prêts à long terme, sur des gages dont la valeur était énormément et artificiellement surélevée, et dont la réalisation devait devenir impossible en cas de crise, voilà quelle fut la ligne de conduite suivie de 1880 à 1892 par la plupart des banques australiennes. Par suite de l’importance des dépôts britanniques, elles devaient être compromises, non seulement si des événemens fâcheux se produisaient en Australie même, mais encore si quelque incident un peu grave venait influencer le marché financier anglais et amenait les capitalistes