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réticences, pardonnées ou admirées par les habiles, inaperçues des simples : dans le silence on pourrait s’entendre… mais seulement dans le silence ; et pourquoi donc les orthodoxes font-ils si souvent du fracas ?


III

Parfois, à vrai dire, parmi les incroyans eux-mêmes, se produisent certains éclats. L’affaire Schrempf, l’affaire Lisco, l’affaire Stendel, pour ne citer que les principales, ont bruyamment rempli les dernières années. À ces trois pasteurs, affamés de franchise, épris des situations nettes, il répugnait de paraître affirmer, par la récitation liturgique du symbole, une foi qui n’était pas la leur.

Lorsque, en 1884, M. Schrempf devint curé de Leuzendorf, il déclara loyalement aux autorités religieuses du Wurtemberg qu’il ne prêcherait que les trois évangiles synoptiques ; elles le tinrent quitte de tout surplus ; et M. Schrempf, tout en repoussant, comme n’étant pas formellement contenues dans les synoptiques, la Trinité, la faute originelle, la divinité du Christ, les notions d’inspiration biblique et de sacrement, fut chargé d’une communauté. « A Noël, raconte-t-il, je prêchais, non point sur l’enfant Jésus, l’étable et la crèche, mais sur Christ, ce qu’il nous apporte, ce qu’il veut de nous. A Pâques, je disais volontiers que seule la foi du Sauveur, qui s’est révélé vivant après la mort, assure au chrétien la vraie joie : cela, je le savais par ma propre expérience ; sans la foi au Christ vivant, on n’obtient point la vraie joie. A l’Ascension, je parlais de la maîtrise du Christ sur l’Eglise et le monde entier ; je ne me servais du mot Ascension que comme d’une épigraphe. A la Pentecôte, je parlais de l’Esprit-Saint ; du récit de la première Pentecôte, je n’utilisais que le discours de Pierre. » Ce ne fut point le consistoire qui s’inquiéta de cette tactique ; ce fut la conscience de M. Schrempf, choquée, surtout, parce que ce « manque de véracité » (Unwahrheit) lui procurait un « poste et des appointemens ». Avec une délicatesse qui dut sembler maladive à ses collègues incroyans, il fit savoir au doyenné, le 5 juillet 1891, que, fatigué de feindre toujours, il supprimerait le symbole, à l’avenir, dans la cérémonie du baptême. « D’une façon ou d’une autre, expliqua-t-il plus tard, je devais violer la promesse de mon ordination. A l’origine, conformément à ma promesse, j’ai simplement énoncé le symbole ; et contrairement à ma promesse, je n’ai pas laissé voir ma position subjective à l’endroit de ce symbole ; ensuite, conformément à ma promesse, j’ai déclaré ma position subjective à l’endroit du