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on s’en tint à la lettre ; on ergota sur des détails de procédure pieuse. A Luther révolté, l’Eglise romaine accorda, demanda même, qu’il s’expliquât sur le dogme ; avec M. Schrempf révolté, le consistoire n’osa point engager un pareil colloque.

Cependant M. Schrempf, spolié de sa paroisse, et qualifié de « génie religieux » par M. le professeur Ziegler, de l’Université de Strasbourg, importuna l’Eglise de Wurtemberg par un opuscule passionnant, qui se ramassait en une question : « Ayant retiré, d’une façon publique, ma profession de foi de confirmation, suis-je encore membre de l’Eglise ? » La réponse me permettra, expliquait-il, de « rentrer dans un rapport naturel avec mon Eglise. Souffrir en silence qu’on m’inscrive toujours, sur les registres, comme membre d’une Eglise, et rompre, on silence, la communion qui m’unissait à elle, c’est une combinaison dont je ne veux point, bien qu’elle soit fort pratiquée. Esthétiquement, moralement, religieusement, je la trouve odieuse ; je préfère le franc conflit, et, s’il le faut, la séparation définitive. » La question de M. Schrempf resta sans réponse, et pour cause. En lui concédant qu’il était toujours chrétien, le consistoire eût couru le péril d’une seconde interrogation : « Pourquoi dès lors ne suis-je plus capable de servir l’Église ? » et, sur ce terrain-là, il n’est pas un théologien « moderne » qui n’aurait prêté renfort à M. Schrempf.

« S’il doit y avoir conflit, proclamait-il, je préfère qu’il soit notoire. » Les autorités de l’Eglise ont d’autres goûts ; elles aiment mieux que les conflits soient occultes, tout au moins discrets ; elles ne sévissent, même, que lorsqu’ils sont suffisamment notoires. M. de Sydow, dont nous parlions tout à l’heure, fut absous, en 1877, par le conseil suprême évangélique de Prusse, parce qu’il réservait ses opinions hétérodoxes pour des assemblées privées ; le vieil empereur Guillaume Ier s’indigna de cette tolérance ; mais inutilement. M. Schwarz, pasteur badois, fit imprimer en 1894, en une brochure de propagande, un certain nombre de propositions ; elles établissaient que : « les Eglises conservent de vieilles erreurs et entretiennent l’hypocrisie ; que l’Évangile n’enseigne point la rédemption, mais l’évolution de l’être humain vers une grandeur divine ; que la Trinité est une doctrine néfaste : et que l’Eglise évangélique, en maintenant des dogmes, se met au service du papisme. » Le conseil supérieur de l’Église de Bade jugea tout procès doctrinal inutile ; il estima que le pasteur Schwarz avait « ravalé la conviction religieuse de ses collègues, qui, eux aussi, ont le droit d’avoir une conviction et de la faire protéger », et que la diffusion de ces thèses dans un écrit populaire,