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de roses, de violettes, de jasmins, que ses fabriques distillent et dont les essences s’exportent dans le monde entier. Nulle part on ne cultive autant de fleurs, nulle part les fleurs ne constituent à ce point la principale industrie de toute une région qu’elles enrichissent. Dans cet immense jardin de plus de 20 000 hectares, les cultures, savamment échelonnées, se succèdent, alimentant toute l’année des usines puissamment outillées. Si Nice et Cannes fournissent, l’hiver, aux grandes villes de France des fleurs coupées, mettant le luxe des riches à la portée de ceux qui ne le sont pas ; si Grasse approvisionne l’Europe et l’Asie de ses essences et de ses parfums, l’Algérie a pour elle ses fruits et ses primeurs, plus nécessaires encore, répondant à d’autres et de plus impérieux besoins, et susceptibles d’une bien autre consommation. Par ce qu’est déjà ce commerce, on peut juger ce qu’il sera ; par les résultats obtenus aux Etats-Unis on peut apprécier ce qu’il est appelé à devenir. Les demandes croissent avec les mêmes besoins ; ce qui était, hier, un luxe pour beaucoup, sera demain une nécessité.

L’Algérie obéit, elle aussi, à cette impulsion ; et ce n’est pas l’un des moins curieux spectacles que les environs d’Alger offrent aux touristes, aux voyageurs, aux observateurs, celui de l’incessant labeur qui a métamorphosé en champs de culture intensive les terrains, autrefois sans valeur et longtemps on friche, des nombreux villages qui bordent le golfe et les côtes d’Alger. De janvier à avril, Maison-Carrée, Fort-de-l’Eau, Husseïn-Dey, Rovigo, expédient à Paris, Lyon, Marseille et aux grandes villes du nord près de 100 000 colis d’artichauts de primeur. D’octobre à décembre et d’avril à mai, 200 000 colis de haricots verts récoltés à Guyotville, Husseïn-Dey et Zéralda partent pour la France. On n’estime pas à moins de 50 000 colis l’exportation des petits pois, laquelle, commençant en décembre, dure jusqu’en mai, où les produits similaires du Midi font leur apparition sur nos marchés. Husseïn-Dey, Kouba, Birkadem, Birmandreis et Guyotville sont les centres principaux de cette production et aussi de celle des pommes de terre nouvelles dont, de février en juin, on récolte en moyenne 5 000 tonnes. Pour les fruits, Blida, Boufarik et Staouéli sont les centres de la production des oranges, des citrons et des mandarines dont, de novembre à mars, 100 000 fardeaux font, sur nos marchés, concurrence aux produits étrangers. En mai, 20 000 colis d’amandes et du 5 juillet au 15 août, 175 000 fardeaux de raisins viennent encore d’Algérie permettre aux consommateurs impatiens d’attendre l’apparition, sur les carreaux des halles, des amandes et des raisins de France.