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dans la plaine que teintent de rose les rayons du soleil couchant. Longeant l’oasis d’El-Kantara, il dépasse la fontaine des Gazelles pour atteindre enfin, à 50 kilomètres plus au sud, Biskra, la « Reine des Zibans », que les Arabes appellent : Biskra el Sekera, « la Sucrée », que les Romains nommaient : Ad Piscinam, à cause de ses eaux thermales. C’était alors, comme aujourd’hui, un point stratégique important, le point de départ des voies de pénétration. Des postes avancés couvraient cette ville que les Vandales dévastèrent, que les Turcs relevèrent et occupèrent, dont ils firent « une grande et belle cité », comme l’écrivait Moula-Ahmed en 1710, comme l’attestent ses ruines, et aussi une relation de la peste constatant que le nombre des victimes du fléau y fut de 71 000. Biskra ne s’en est pas relevée, et sa population, au dernier recensement en 1891, n’excédait pas 7 166 habitans, dont 502 Français. Ces chiffres sont aujourd’hui dépassés. Biskra se repeuple, hiverneurs et touristes y affluent. On en compte près de 5 000 en moyenne.

Située par un peu plus de 100 mètres d’altitude, dans un cadre de verdure qu’enserre, non pas encore le désert, mais la steppe, Biskra apparaît comme une petite ville coquette, gracieuse et propre, construite autour d’un grand jardin qui en occupe le centre, qu’ombragent des ficus et des palmiers, des poivriers et des gommiers, que sillonnent des ruisseaux d’eau courante dérivés de l’Oued-Biskra, et qui vont, à quelques pas de là, arroser sa merveilleuse oasis de 140 000 palmiers-dattiers. Le fort Saint-Germain commande le barrage des eaux et tient à sa merci l’oasis et les habitans qui en vivent. En cas d’insurrection, la dérivation des eaux de l’Oued amènerait promptement les Arabes à composition.

Autour de ce jardin se profilent des rues en façade, coupées à angle droit, bordées de maisons n’ayant qu’un rez-de-chaussée, et parfois un premier étage avec toit formant terrasse, blanches ou teintées de rose. Des arcades extérieures abritent le promeneur des rayons brûlans du soleil, et des cours intérieures entretiennent la fraîcheur dans les appartemens. L’hôtel de ville est, sans contredit, le plus gracieux monument de Biskra. Il s’élève en façade sur le jardin, et, bien que de construction récente, il charme l’œil et cadre avec le site ; ses colonnettes, ses coupoles, ses galeries, son frais patio et ses arcades sont d’un heureux effet. Autrement curieux pour le touriste est le marché de Biskra, vaste cour intérieure qu’entourent des galeries voûtées, sous lesquelles, du matin au soir, se presse une foule affairée, autour desquelles s’allongent d’interminables files de chameaux ; ils