Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les divertissemens aussi sont les mêmes et tiennent une aussi grande place dans la vie : en dépit de la température, j’ai vu des jeunes gens d’Adélaïde s’exercer à l’aviron sur la rivière Torrens ; j’en ai vu d’autres, dans les camps miniers de l’Australie de l’ouest, jouer au cricket par 30 ou 35 degrés de chaleur avec la même énergie qu’en Angleterre. Le goût des Anglais pour les courses de chevaux est encore exagéré dans leurs colonies, tandis qu’aux Etats-Unis elles attirent peu l’attention, à l’exception des courses au trot qui intéressent surtout un public local. En Australasie au contraire, c’est avec une véritable passion que toutes les classes de la société se précipitent sur les hippodromes, et la Coupe de Melbourne est une bien autre solennité que le Grand Prix de Paris, en France, et même le Derby d’Epsom en Angleterre. On s’en occupe deux mois à l’avance ; et le jour où elle est courue, au début de novembre, il est impossible d’aborder un autre sujet de conversation non seulement dans les grandes villes, mais dans les « stations de moutons » les plus reculées du Queensland, aussi bien que dans les camps miniers perdus au milieu des déserts de l’Ouest à 400 ou 500 lieues de Melbourne ; et les paris atteignent des chiffres énormes. Dans l’Afrique du Sud il en est de même, et les quatre séries de réunions sportives de Johannesburg, cette ville anglaise en territoire boer, sont les plus grandes fêtes pour toute la population à cette altitude de près de 2 000 mètres, où la raréfaction de l’air a obligé les organisateurs à réduire la longueur des parcours dont aucun ne dépasse 1 000 mètres.

Dans les institutions, d’aussi grandes analogies se rencontrent. Nous ne reviendrons pas sur l’organisation politique des grandes colonies calquées sur celle de l’Angleterre. On y a éprouvé parfois quelque difficulté à constituer des chambres hautes, rouages un peu artificiels dans ces pays neufs et n’ayant point, pour les soutenir, le prestige historique de la Chambre des lords. Mais nulle part on n’a voulu se passer de ces assemblées et, soit en confiant la nomination des membres au gouverneur en conseil des ministres, soit en les faisant élire par des corps censitaires on a, tant bien que mal, organisé des Sénats. Comme l’exécutif et le législatif, le pouvoir judiciaire est constitué de la même façon qu’en Angleterre et l’appareil de la justice est le même : au commencement des débats des cours, un huissier, s’adressant aux auditeurs, pousse le vieux cri français : « Oyez ! oyez ! oyez ! » comme on le fait aussi à Washington même, à la Cour suprême des États-Unis ;