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qu’on a raconté des plus horribles tyrans. « Une révolte a éclaté, écrivait François au gouverneur de Reggio, les rebelles sont en mon pouvoir, envoyez-moi le bourreau. » Charles assistait parfois lui-même aux bastonnades qu’il infligeait. A Naples, des procès furent intentés aux hommes d’intelligence et de probité suspects d’idées libérales. On s’attaqua à d’anciens ministres du roi, tels que Charles Poerio, dont l’innocence défiait toutes les machinations. A l’aide d’un « sauvage et lâche système de tortures physiques et morales, on obtint, de cours de justice dépravées, des sentences abominables. La négation de toute loi divine fut érigée en système de gouvernement[1]. » En Toscane, la réaction conserva quelque modération et n’alla pas aux extravagances féroces des grands-ducs et du roi de Naples. On fit à Guerrazzi son procès, on ne le passa point par les armes. Mais le grand-duc ne tint aucun des engagemens pris avec les auteurs de la Restauration. Sans abolir immédiatement le statuto, il le considéra comme non avenu. Il oublia qu’on l’avait rappelé surtout pour empêcher les Autrichiens d’occuper le duché ; il les fit venir sous prétexte de réduire la révolte de Livourne et les installa ensuite à Florence ; il n’apparut plus aux populations que comme leur lieutenant. Aussi, quand il rentra dans ses États (29 juillet 1849), il trouva l’hostilité de ceux qui les lui avaient rendus. Le jour de l’entrée des Autrichiens, Salvagnoli, un des plus illustres constitutionnels toscans, écrivit à une amie : « Aujourd’hui 25 mai 1849, les impériaux sont entrés à Florence. Dans dix ans le fils de Charles-Albert sera roi d’Italie. »

Le gouvernement du Président n’adressa ni à la Prusse ni à l’Autriche des remontrances dont elles n’eussent tenu aucun compte. Il essaya du moins de refréner les petits princes sur lesquels il avait quelque action. Tocqueville, apprenant que le représentant de la France dans le grand-duché de Bade paraissait approuver les exécutions prussiennes, lui écrivit : « Nous avons contribué, autant que nous le pouvions sans entrer dans la lutte, à la répression de l’insurrection. Raison de plus pour désirer que la victoire à laquelle nous avons aidé ne soit pas souillée par des actes de violence que la France réprouve et que nous jugeons odieux et impolitiques… Nous ne pouvons prêter les mains à une restauration antilibérale. Voyez le grand-duc et faites-lui

  1. Gladstone.