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l’Elysée et l’insurrection de la rue, dissipé les craintes inspirées par l’échéance menaçante de 1852, immédiatement rendu la confiance aux esprits et la prospérité aux affaires. Cette proposition avait, il est vrai, le tort — la révision ne pouvant être réclamée que dans la dernière législature — d’être inconstitutionnelle et, par conséquent, de conduire à un coup d’Etat. Thiers ne l’avait pas dissimulé ; et il avait pris son parti du coup d’Etat et de la bataille des rues qui s’ensuivrait.

Berryer et ses amis qui, en dehors de la monarchie, n’entrevoyaient que calamités, et qui ne voulaient, à aucun prix, favoriser un coup d’Etat, repoussèrent péremptoirement le sacrifice que Thiers leur demandait. La réunion, selon eux, ne devait avoir qu’un but : chercher les moyens de replacer dans l’Assemblée le gouvernement que le dernier message du Prince lui avait ôté. On y parviendrait en constituant un Comité directeur ayant sur la majorité une action à laquelle le ministère ne saurait prétendre, et en chargeant ce comité de prendre l’initiative de mesures importantes telles qu’une loi électorale, etc.

Thiers répliqua : « Je vais aller plus loin dans la franchise. Je suis philippiste, je ne suis infidèle à aucune de mes affections, mais quand il s’agit du salut du pays toutes les dynasties du monde ne me sont rien, j’en sacrifierai cent si l’intérêt de la France le commande. Peut-on rétablir la branche aînée ou la branche cadette ? Peut-on ménager entre elles un arrangement qui ferait cesser leur antagonisme ? Si un tel arrangement se concluait à Claremont ou Frohsdorf, je ferais mes efforts pour qu’on le tint secret, car il augmenterait d’une manière effrayante la force de nos adversaires. Le jour où on pourra nous jeter l’épithète de blancs, nous serons beaucoup plus faibles. Quand j’ai adopté avec mes amis la candidature du prince Louis, avais-je l’espoir de trouver en lui le premier consul ? Pas le moins du monde. Certes, le Président a fait des fautes, je les juge sévèrement. Mais, à tout prendre, ces fautes sont moins graves que celles auxquelles on pouvait s’attendre après ses antécédens. Pourquoi donc ai-je appuyé sa candidature ? Pour une raison fort simple. J’ai vu au milieu du naufrage un débris monarchique qui surnageait. Ce n’était qu’une planche de bâtiment submergé, la Méduse ou le Vengeur, mais une planche qui portait le nom du vaisseau. J’ai cru qu’il fallait s’attacher à ce débris et s’en servir pour établir ce régime semi-monarchique, semi-républicain que