Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les attentats contre les biens. En second lieu, nous voyons la criminalité s’étendre même dans les campagnes. Et ce n’est pas sur les criminels de naissance que porte l’augmentation ; c’est sur les criminels par profession, par occasion ou par passion. Or ici les causes du mal sont avant tout morales et sociales, et notre nation peut se dire à elle-même : — Tu l’as voulu.

Si les contrées les plus riches et les plus « civilisées » sont, en général, plus fécondes en crimes, de même qu’en cas de folie, on a cependant relevé des exceptions de portée significative. A Genève et en Suisse, à mesure que la civilisation fait des progrès, la criminalité diminue, au point de devenir la plus faible de l’Europe ; un résultat analogue se produit en Belgique, grâce peut-être à un meilleur régime pénitentiaire. A en croire les statistiques officielles, dans toute l’Angleterre, depuis dix ans, le crime a diminué de 12 pour 100 sous toutes ses formes et surtout chez les enfans. De 1870, année de la loi Forster relative à l’instruction, jusqu’à 1894, la population des écoles s’est élevée de 1 million et demi à 5 millions d’enfans ; dans la même période, la moyenne de la population des prisons est tombée de 12 000 à 5 000, le nombre annuel des condamnés aux travaux forcés, de 3000 à 800, et la moyenne des jeunes gens poursuivis devant les tribunaux de 14 000 à 5 000. Dans les vingt dernières années, en Angleterre, on a fermé six prisons, faute de prisonniers. Bref, tandis que, sur 100 000 habitans, l’Italie a 239 détenus, la France 158, la Prusse 120, la Belgique 110, le Royaume-Uni en a 75 seulement, moitié moins que la France et trois fois moins que l’Italie. « Pauvre Angleterre ! » s’écrie ironiquement M. Tarde, en faisant allusion aux théories de M. Durkheim.

Sans doute, la baisse de la criminalité en Angleterre est moins grande en réalité qu’elle ne le paraît ; elle est due d’abord au nombre de jeunes délinquans qui sont maintenant confinés dans des maisons de réforme (reformatories) ou dans des « écoles industrielles », et qui sont ainsi temporairement rendus incapables de crimes ; en second lieu, à l’indulgence croissante des juges. Il faut en rabattre sur les statistiques officielles des Anglais, aussi attentifs à cacher leurs mauvais cas que nous le sommes à lancer urbi et orbi l’encyclique de nos vices. Jeter la pierre aux autres, aucune nation n’en a le droit, pas même l’Angleterre, qui, sous le rapport des mœurs, a révélé des scandales incomparables. Entre autres industries, n’y trouve-t-on pas des maisons qui se chargent, en