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demandent qu’on mette fin à ce régime d’exception et de défiance, qu’on les rende à leurs chefs naturels, à ceux dont ils dépendent dans tous les pays civilisés, qu’on les enlève ainsi à la fois aux tyrannies locales et à la tyrannie gouvernementale. Répondra-t-on encore, avec Paul Bert se reniant lui-même : » L’heure n’est pas venue de donner satisfaction aux principes ! »

Parmi les moyens de moralisation populaire il faut encore mentionner les cours d’adultes et les conférences de toutes sortes. On sait que les universités anglaises, pour l’ « extension » de l’enseignement, envoient dans les centres populaires des professeurs appelés « missionnaires » et qui, en effet, se dévouent à la diffusion des vérités scientifiques, morales, sociales. Pourquoi ne pas organiser un système régulier de conférences et de leçons du soir dans la France entière (comme il y en a à Reims) sur les sujets qu’il importe le plus de traiter pour relever la moralité publique ? Ajoutons les écoles des régimens, qui pourraient exercer une influence considérable, si elles étaient dirigées dans le sens moral au lieu d’être, comme les autres, sous la tyrannie de l’ « histoire », de la « géographie » et des « sciences ». Tout ce qu’on a fait pour organiser l’instruction est vraiment admirable ; il faut dépenser aujourd’hui la même activité et au besoin le même argent pour organiser l’éducation, puisque l’impuissance de l’instruction éclate à tous les yeux. Posteri, vestra res agitur. Dans une conférence sur la réforme pénitentiaire, un Suédois à qui on demandait si l’éducation des enfans pauvres n’était pas trop coûteuse, répondit : « Nous autres Suédois, nous ne sommes pas assez riches pour laisser un enfant grandir dans la misère et le crime et devenir ainsi un fléau pour la société. »


IV

Mais nous n’hésitons pas à le dire : tout ce que l’école, même réformée, aura fait pour l’éducation des enfans sera stérile, si la licence actuelle de la presse poursuit son travail de dissolution. Aujourd’hui, c’est par millions que les journaux se répandent jusque dans les plus petites communes et, de plus, leur action est quotidienne. Où les enfans qui ont appris à lire achèvent-ils leur instruction et leur éducation ? Dans les journaux. La grande « école primaire », c’est donc la presse, dispensatrice journalière d’idées vraies ou fausses, de sentimens bons ou mauvais. Cette énorme