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européen. » Les parties contractantes, ajoutent-ils, « s’engagent, chacune de son côté, à respecter l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’empire ottoman, garantissant en commun la stricte observation de cet engagement, et considéreront, en conséquence, tout acte de nature à y porter atteinte comme une question d’intérêt général. » Au congrès de Berlin, on affecta de s’inspirer des mêmes dispositions ; on se concerta pour limiter d’une façon dérisoire les avantages stipulés par la Russie à San-Stefano afin de mieux assurer, prétendit-on, la sécurité de la Porte dans les éventualités ultérieures.

Par une dérision du sort, ou plutôt par la force des choses, jamais aucun de ces engagemens n’a été tenu, jamais il n’a été tenté aucun effort collectif pour en garantir le respect : la Turquie a été envahie, l’Egypte est occupée au mépris des dispositions conventionnelles que nous venons de rappeler. Bien mieux ; jamais l’empire ottoman n’a été mis en plus grave péril, n’a été plus démembré que quand on promettait au sultan la paisible possession de ses territoires et l’entière liberté de son gouvernement ! On le dépouilla, en 1841, en sanctionnant l’usurpation de Mehemet-Ali, en ne laissant au sultan qu’un droit dérisoire de suzeraineté, dont on ne lui a jamais permis d’ailleurs de faire usage. En conformité avec le traité conclu à Paris en 1806, les puissances ont, d’un commun accord, élaboré, deux ans après, une convention qui a préparé la voie à l’érection du royaume de Roumanie. Au congrès de Berlin, en 1878, on a ravi à la Porte deux provinces, la Bosnie et l’Herzégovine, dont on confia l’administration temporaire à l’Autriche, qui ne semble guère disposée à en faire la restitution à leur souverain légitime. L’Angleterre exigea son lot, et, sous prétexte d’être mise à même de mieux défendre les intérêts de la Porte en Asie, elle se fit octroyer la possession de l’île de Chypre. La Grèce, de son côté, obtint, sur notre initiative, une rectification de frontières tout à son avantage. On s’était cependant assemblé pour protéger la Turquie contre les exigences de son vainqueur, la Russie, qui, à San-Stefano, ne lui avait pourtant imposé ni la cession de deux provinces en Europe, ni l’abandon d’une île importante dans la Méditerranée. Mais des vues nouvelles prévalurent dans cet aréopage où chaque puissance, par l’organe de ses plénipotentiaires, n’eut d’autre dessein que de servir les intérêts égoïstes de sa propre politique en lui sacrifiant ceux de la Turquie. À vrai dire, un facteur nouveau, la Prusse, qui jusque-là n’était intervenue que