Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

respectives ; parmi les co-partageans il s’en trouverait inévitablement pour lesquels une acquisition dans le Levant aurait plus d’inconvéniens que d’avantages. N’a-t-on pas prétendu que la France ambitionnait la possession de la Syrie ? Nous n’avons trouvé nulle trace d’une pareille conception ; et nous ne croyons pas commettre une erreur en ajoutant qu’elle n’a été formée par aucun de nos hommes d’Etat. Elle ne pourrait être réalisée en effet qu’au prix de concessions d’une bien autre importance territoriale et économique, faites aux autres puissances de façon que la balance s’établirait à notre préjudice.

Mais en adviendrait-il autrement que l’entente échouerait indubitablement sur une autre question d’un intérêt capital. Quelle serait la puissance qui pourrait revendiquer, à plus de titres que les autres, la possession du Bosphore et de ses dépendances, c’est-à-dire de l’un des points les plus importans du globe, qui réunit l’Europe à l’Asie, un détroit dont l’accès par la Méditerranée peut être aisément fermé et qui s’ouvre sur deux mers ? Est-ce la Russie, dont les flottes, grâce à cette acquisition, domineraient dans le Levant, où elles trouveraient les élémens inépuisables d’un puissant recrutement parmi les populations maritimes qui en habitent les rivages ? Est-ce l’Angleterre qui déjà possède dans la Méditerranée des positions qui lui permettent de contre-balancer l’influence naturelle des riverains ? Il serait superflu d’insister, et il n’y a nulle témérité à penser que les cabinets chercheraient vainement à se mettre d’accord sur un pareil sujet. Il est au contraire permis de présumer que l’occupation militaire de la Turquie serait le prélude d’une guerre générale.


IX

On s’est demandé, d’autre part, si les puissances, abdiquant respectivement toute prétention ambitieuse, ne pourraient s’entendre pour substituer à l’empire turc un empire chrétien, une création nouvelle érigée au profit exclusif des populations indigènes, auxquelles on rendrait ainsi, avec la liberté, une existence nationale. L’entreprise serait aussi ardue, aussi impraticable peut-être, au dire des plus sagaces observateurs, que le partage de la Turquie. Il existe, dans l’Europe orientale, des races diverses, toutes également originaires des contrées qu’elles