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d’assemblées délibérantes électives, le vote du budget et des lois, le gouvernement par un cabinet recruté dans la législature et solidairement responsable devant elle, la République parlementaire existe, et elle crève même les yeux. Mais ce régime n’a pas seulement un corps, il a une âme ; — et c’est le gouvernement du pays par des partis organisés, en possession de la majorité, à l’aide et par l’intermédiaire d’un cabinet qui est leur délégué et leur chef.

Cette simple définition ne dit-elle pas assez tout ce qui manque à notre pratique? Des partis organisés? Il n’y en a pas. Il n’y a que des groupes; ce qui est fort différent ou même tout le contraire. Un parti est un ensemble organique d’hommes associés par des principes communs, poursuivant la réalisation d’un programme commun, agissant de concert au grand jour et par des moyens légaux. Un groupe est la rencontre fortuite d’atomes isolés, rapprochés par des sympathies individuelles, unis pour la poursuite de lins personnelles, agissant de concert, dans l’intérêt de leur ambition, par des procédés de toute espèce. Autant la politique des partis est claire, nette, robuste, virile, parfois violente, toujours intelligible au pays et accessible à la masse, autant la politique des groupes est obscure, louche, indécise, tortueuse, toujours dominée par des considérations de personnes et des jalousies individuelles. La première a un lieu naturel, c’est la place publique, la tribune. Le lieu de la seconde, ce sont les couloirs, les antichambres ou les salons. Les partis sont une armée où règne une discipline toute militaire ; ils ont des chefs et des soldats ; chacun sert à son rang, heureux et fier, si modeste que soit sa place, de combattre sous le drapeau. Les groupes sont des sociétés de secours mutuels; ce sont des états-majors où il y a tant de capitaines qu’il ne reste plus de simples soldats; chacun y travaille pour soi, y tire de son côté, et finalement n’y suit que sa propre fortune.

Y a-t-il du moins une majorité? Pas davantage, et par les mêmes raisons. Ici encore, à première vue, il semble que la concentration républicaine ait dû en quelque sorte stéréotyper une majorité identique à elle-même. Il n’en a rien été, parce qu’en fait les élémens mêmes d’une majorité réelle faisaient défaut; et ici encore, la fiction de la concentration a porté ses fruits de mort. Les majorités qui se forment successivement sur telle ou telle question ne sont jamais identiques à la majorité purement artificielle