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Ces propositions furent peu discutées ; et le motif du rejet dédaigneux du principe de l’échevinage fut à coup sûr son air d’étrange nouveauté. Qu’était-ce que cette juridiction dont on n’avait pas vu d’exemple ? L’adopter, disait-on, serait faire un saut dans l’inconnu ! Et l’on n’aime guère dans notre pays tenter les épreuves de ce genre !

Nous avons donc rejeté, il y a quelques années, le principe de l’échevinage. Il était, à ce moment même[1], passionnément discuté et bientôt hardiment adopté en Allemagne. Et cette vieille idée française, l’idée de la Constituante, cette idée défendue au Conseil d’Etat de l’Empire par nos plus grands jurisconsultes, enseignée par la France à l’Allemagne, était définitivement acquise par celle-ci.

Depuis de longues années maintenant, de l’autre côté du Rhin, des tribunaux d’échevins fonctionnent. Il ne s’agirait donc plus, en les instituant chez nous, de faire un saut dans l’inconnu ; car nous pouvons contrôler par l’expérience et la pratique d’un peuple voisin la valeur de l’institution que nous avons dédaignée.


V

C’est vers 1850, alors que l’idée de « l’échevinage » sommeillait profondément en France, que certains Etals allemands songèrent à l’introduire dans leur législation[2]. Cette institution prit racine et se développa notamment dans le Hanovre, la Saxe, le grand-duché de Bade. Cette forme du concours de l’élément laïque[3] à l’administration de la justice criminelle devint rapidement populaire de l’autre côté du Rhin, et le succès relatif de l’échevinage semblait déjà assuré, lorsque, en 1875, la commission chargée d’établir dans l’empire allemand l’unité d’organisation judiciaire s’occupa spécialement de cette institution. Le

  1. C’est en 1878 que M. Dufaure, opposé à l’échevinage, déclara que le système de l’assessorat, employé aux colonies, n’y avait pas donné de bons résultats. Cela mérite deux réponses : D’abord l’échevinage aux colonies, qui a pour but de faire participer aux jugemens l’élément indigène, n’est pas très comparable à l’échevinage de la métropole. Ensuite, il nous serait aisé d’établir que l’échevinage colonial dans lequel on a persisté a donné des résultats excellens sur plusieurs points, et en particulier en Tunisie.
  2. Voyez Code d’organisation judiciaire allemand. Introduction, par Dubarle. p. 84 et suiv.
  3. C’est le nom donné par les Allemands à l’élément populaire extra-professionnel.