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sur lesquels frappe une tige de fer recourbé. Tous sont masqués, masques bleus, bruns, jaunes, rouges aux dessins d’or ; le Grand-Lama a le masque rose ; les guerriers portent des masques de cuivre ciselé étincelant au soleil. Les uns ont une tête de mort sur la poitrine, d’autres une couronne de cinq têtes de mort ; d’autres portent des tiares excentriques ou de larges chapeaux de laque de Chine surmontés de cinq bannières qui prennent au vent toutes les formes. Certaines bannières ont un mètre de hauteur. Puis il y a les masques aux trois yeux que l’on retrouve sur les images du Gompa, c’est le masque du Destructeur, la divinité malfaisante qu’il importe de ménager et qui, avec les diables, joue un rôle considérable dans la « fonction ».

L’influence brahmanique à Himis comme à Lassa a altéré le culte de Bouddha qui ne se retrouve, me dit-on, dans sa pureté qu’en Birmanie. Partout les figures des Grands-Lamas déifiés prennent à Lassa et à Himis la place du premier dieu. A Himis, un Grand-Lama de stature colossale occupe la place d’honneur entouré d’autres Grands-Lamas plus petits, tandis que la statue de Bouddha se perd en un coin. Dans d’autres Gompas, j’ai retrouvé les têtes monstrueuses et les animaux phénomènes du panthéon brahmanique.

Il est d’ailleurs facile de remarquer certaines analogies d’ornemens et d’accessoires avec notre culte catholique. Les crosses, les mitres plus ou moins bizarres, les dalmatiques, les chapes, les énormes encensoirs soutenus par cinq chaînes rappellent nos ornemens, de même que le beau chapeau de soie rouge aux jolis pompons de soie floche, que le supérieur portait le matin en venant au-devant de nous, rappelle notre chapeau de cardinal. On peut remarquer aussi certaines psalmodies, des litanies, l’eau bénite, le chapelet, les exorcismes, grand nombre d’innovations qui remontent à Tsong-Kaba, le grand saint bouddhique dont la chevelure rasée et jetée à terre produisit, selon la légende, l’arbre aux dix mille images, le kounboun de la grande Lamaserie du même nom, aux feuilles couvertes de caractères thibétains. Tsong-Kaba fut, au XIVe siècle (il mourut en 1419). le grand réformateur de la liturgie, l’auteur d’une rédaction nouvelle du corps doctrinal laissé par Çakya-Mouni, enfin le chef de la fameuse réforme des « Bonnets jaunes » plus austères queles« Bonnets rouges « . C’est précisément au XIVe siècle que les grands conquérans tartares envoyaient des ambassades en France,