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Justice, il l’a donnée, honnêtement, correctement, et le sceptre aussi et aussi les balances, puisqu’on les exigeait, mais, comme c’était son droit, il a fait une Justice moderne. Assise à l’aise, sans raideur, dans un large fauteuil, les jambes pliées sous la robe, la tête appuyée sur la main gauche, dans une attitude grave, mais naturelle et familière, elle tient de la main droite ses balances fermées avec un léger sceptre dormant sur son épaule ; elle médite plus qu’elle ne juge, elle comprend plus qu’elle ne condamne. Le visage est celui d’une contemporaine coiffée en bandeaux. Par-dessus sa tunique, elle porte une robe de juge, ouverte, à petits boutons, et un rabat de dentelles. Toute cette transposition, qui aurait pu si facilement tourner au déguisement ridicule, a été faite avec tact et avec goût.

M. Mercié, depuis longtemps, est passé maître dans l’art d’idéaliser des figures contemporaines, sans mentir à la vérité et sans faillir à la beauté. Le Tombeau de Mme Carvalho nous montre sur un large stèle, en un bas-relief, la cantatrice transfigurée montant vers le ciel, les bras joints sur la poitrine dans l’attitude des Assomptions. Le visage où toute l’âme semble passée de Marguerite mourant dans la prison, est d’une ressemblance assez vive, pour que chacun puisse la reconnaître ; la réalité du corps est assez atténuée par l’enveloppe flottante d’une longue tunique dont les bords se fondent dans le bloc pour qu’on ne s’étonne point de cette transfiguration. Peut-être même, l’artiste eût-il pu conserver un peu plus de saillies dans les parties inférieures, puisqu’il faisait sortir les bras en plein relief. Aux pieds de la figure envolée gît une grande lyre sur des bouquets effeuillés. L’ensemble est d’un goût délicat et laisse une impression poétique, d’une mélancolie gracieuse, comme celle dont nous ravissait la grande artiste dans son rôle préféré. Dans son Tombeau de S. E. le cardinal Guibert archevêque de Paris, M. Louis Noël s’en est tenu à l’effigie traditionnelle du prélat, dans ses plus riches habits épiscopaux, agenouillé sur le monument. L’ouvrage est exécuté avec vigueur et ampleur, suivant les préceptes des maîtres du XVIIe siècle.

L’originalité ingénieuse de M. Frémiet a trouvé dans la série des ouvrages qui doivent décorer les nouveaux bâtimens du Muséum d’histoire naturelle les plus heureuses occasions de s’exercer. On se souvient de l’amusant et terrible bas-relief du Salon de 1895 où toute une famille d’orangs-outangs, ayant tué un