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particularité de l’éclairage, ni par la singularité du mouvement. Mme T. R…, une jeune femme, de visage rose et souriant, en robe de satin blanc, sur un fond bleu-vert ; une Bretonne, paysanne avec son costume sombre, dans une demi-lumière ; Mme la Comtesse de B…, plus âgée, en robe noire, sur fond neutre, toutes à mi-corps, se présentent de face avec la simplicité des modèles d’Holbein et de Clouet ; mais, pour chacune, la façon de faire est appropriée avec une intelligence et une habileté extrême, au caractère, sérieusement étudié, de la personne et de sa physionomie. La plus aimable, avec quelques gracieux souvenirs du XVIIIe siècle dans l’arrangement et les nuances, est celle de la jeune femme, mais, dans celle de Mme de B…, plus grave, presque sévère, nous croyons trouver un des portraits les plus simplement expressifs et les plus librement exécutés que nous ait encore montrés cet artiste supérieur. Des recherches identiques de précision scrupuleuse et délicate donnent encore du prix à quelques petits portraits, très personnels et très fins, de M. Louis Picard (Portrait de M. Dagnan-Bouveret, Portrait de M. Serge G…), à ceux de M. Weertz, d’une habileté plus brillante, mais d’une pénétration moins vive. Il y a, d’ailleurs, dans ce genre, ici comme là-bas, nombre d’études intéressantes et nous devons nous borner à signaler, parmi leurs auteurs, en France, MM. Roll (Portrait de M. Rochefort,) René Menard (Portrait de ma mère,) Meslé, Rondel, Jeanniot, Monod, Desboutin, Jules Flandrin ; à l’étranger, MM. Edelfelt (Portrait de S. M. l’Empereur Nicolas II,) Gordigiani (Portrait de Mme Eléonore Duse,) Guthrie, Hawkins, Herter, La Gandara, Vos, Gleyn, Mlle Breslau, etc.

Chez les peintres de mœurs, paysans ou mondains, solitaires on voyageurs, la plupart, d’ailleurs, paysagistes à leurs heures, nous trouvons même diversité dans les directions. Les uns sont plus sensibles aux subtilités lumineuses ; les autres, au caractère et au mouvement des formes vivantes. Les premiers tombent volontiers dans les tonalités grises, fuyantes, vaporeuses ; les seconds exagèrent aisément la dureté des formes, l’importance des détails, ou la brutalité des couleurs. Mais comme, après tout, il n’y a pas de peinture sans forme, sans couleur, sans lumière, la plupart s’efforcent de combiner le tout au mieux et nous assistons, dans ce sens, à des expériences et à des progrès intéressans. M. Carrière, cette année, ne nous présente pas de ces scènes familières dans lesquelles les visages très expressifs et les mains très