Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et en suivant le texte de cet avis dans le protocole qui allait être revêtu de la signature du cardinal secrétaire d’Etat, en même temps que de celles de l’ambassadeur d’Espagne et du ministre de Prusse près le Saint-Siège.

Le prince de Bismarck n’éleva pas d’objection contre le plan proposé par le Souverain Pontife et le protocole fut signé au Palais apostolique, le 17 décembre 1885. Il se composait de deux parties distinctes. Dans la première, se trouvait énoncé l’avis émis par Léon XIII sur la question qui divisait les cabinets de Berlin et de Madrid. Cette première partie, qui était en quelque sorte le préambule du traité, et où le Pape affirmait la souveraineté de l’Espagne sur les îles Carolines, fut signée par le cardinal Jacobini seul. Dans la seconde partie du protocole se trouvait l’arrangement en six articles par lequel l’Allemagne, reconnaissant les droits que l’Espagne tenait de la priorité de l’occupation des îles Carolines et Palaos, recevait en retour, dans ces parages, des avantages particuliers, en ce qui regardait la navigation, la liberté du commerce, le droit de propriété. Cette seconde partie fut signée par le marquis de Molins pour l’Espagne, et par M. de Schlœzer, ministre de Prusse, pour l’Allemagne. En somme, les négociations avaient abouti à un résultat également satisfaisant pour tous les intéressés. Le plaisir qu’on en éprouvait au Vatican vint donner un nouveau relief à l’initiative qu’avait prise le prince de Bismarck, trois mois auparavant, en conviant l’Espagne à s’unir à l’empereur Guillaume, pour solliciter la médiation de Léon XIII. Le soir du jour où le traité avait été conclu, le cardinal Jacobini réunit à sa table tous les chefs de mission accrédités auprès du Saint-Siège. L’ambassadeur d’Autriche, en sa qualité de doyen du corps diplomatique, porta un toast au Souverain Pontife en le félicitant d’avoir su mettre fin aux dissensions de l’Allemagne et de l’Espagne ; et le cardinal Jacobini, prenant à son tour la parole, remercia l’ambassadeur d’avoir proclamé l’utile influence que le Pape avait su exercer en usant de sa haute autorité morale pour amener un événement qui devait être un des faits heureux du pontificat de Léon XIII.

Lorsque les journaux espagnols publièrent, quelques jours plus tard, les documens relatifs à la médiation, tous les observateurs attentifs ne purent qu’admirer la grande sagesse dont le Saint-Père avait fait preuve en se refusant à admettre que les articles de l’arrangement intervenu entre Madrid et Berlin