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d’étudier la méprise qui porte sur le mot ou qui se produit par l’intermédiaire du mot, j’avais étudié la méprise en général, j’aurais trouvé son rôle encore plus considérable. Confusions d’images, confusions d’idées, erreurs des sens et de l’esprit tiennent une large place dans la vie de l’humanité. Au moyen âge on a mal compris le sujet de certains tableaux et cela nous a valu quelques légendes nouvelles. N’y a-t-il pas là une confusion produite par des images visuelles tout à fait semblable à celles que nous avons vues sortir de l’ambiguïté du sens de certains mots ? C’est une sorte de rébus mal compris, et le rébus, en nous montrant l’influence de l’image visuelle en même temps que celle du mot, est très propre à nous faire saisir la possibilité d’erreurs analogues causées par les sensations de différens ordres. On pourrait citer bien des erreurs d’interprétation de symboles, de représentations quelconques, de choses vues, en un mot, qui ont influé sur le développement des croyances, des idées, des grands courans de sentimens, et même, sans doute, des conceptions scientifiques, les erreurs d’observation se réduisant, en somme, à des associations par analogie. La musique qui s’adresse à l’esprit par l’oreille, comme la parole, mais autrement qu’elle, nous permettrait encore de remarquer l’association des sons semblables et des impressions qui leur sont jointes. Je rappelle simplement la musique imitative et ses bizarreries, ainsi que les différentes interprétations qu’on peut donner d’un même morceau[1]. Mais il faut bien remarquer — c’est un fait assez considérable — que l’équivoque sur un son, sur une suite de sons, sur un accord ou une suite d’accords, est la base et la condition de la modulation. Nous retrouvons, doué d’une fécondité rare, ce procédé qui se fonde sur l’association de plusieurs systèmes d’idées (ici de représentations musicales) autour d’un même son et qui consiste à passer de l’un à l’autre avec plus ou moins d’à-propos. La modulation est une sorte de jeu de sons analogue à un jeu de mots qui serait soumis aux lois d’une logique supérieure. Examiner tous ces points serait sortir de mon sujet, mais ils sont trop voisins de nous pour que nous ne les reconnaissions pas d’un regard. Et, pour en finir avec les alentours du sujet, j’ajoute qu’on aurait pu insister sur le rôle conservateur de l’association par ressemblance et par contiguïté qui maintient en somme

  1. Cf. Weber, les Illusions musicales.