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son principe, pour pouvoir être éludée. Comme corollaire de ses observations, l’Allemagne demandait que la Turquie restât en possession, sinon de la Thessalie tout entière, au moins d’un nombre plus ou moins considérable de points stratégiques, jusqu’au moment où la Grèce aurait payé l’indemnité de guerre. Les précédens étaient conformes à cette manière d’opérer : ils devaient conduire à l’idée d’une évacuation successive et par échelons, au fur et à mesure qu’auraient lieu les versemens de l’indemnité. Tout cela était en quelque sorte fatal : ce qu’il y a peut-être de plus surprenant, c’est qu’on n’y ait pas songé plus tôt, et qu’on ait paru attendre pour cela que l’Allemagne attirât sur ce point délicat l’attention des puissances. Au fond, celles-ci savaient bien qu’il y avait là, pour la rapidité de leurs travaux, une pierre d’achoppement ; mais elles espéraient pouvoir la tourner si tout le monde voulait bien s’y prêter sans rien dire. Seulement l’Allemagne ne s’y est pas prêtée. On est alors entré dans une nouvelle période de négociations. Et, cette fois, aucun reproche ne peut être fait au sultan ; il n’y est pour rien ; il peut déclarer très haut qu’il n’est pas responsable du retard ; mais rien n’égale la joie intime qu’il en a certainement ressentie. Toute sa politique consiste à gagner, ou si l’on veut, à perdre du temps : pour lui c’est la même chose. Quelle n’a pas dû être sa satisfaction lorsqu’il a vu, au moment même où, acculé au pied du mur, il n’avait plus qu’à signer le traité de paix, l’Allemagne lui retirer la plume de la main et poser la question des créanciers de la Grèce !

Cette situation provoque des observations de deux ordres différens : les unes s’adressent à la Grèce, les autres à l’Europe.

Si l’intérêt de la Porte est de rester le plus longtemps possible en possession de la Thessalie, et, d’une manière plus générale encore, de maintenir en suspens tous les problèmes que les derniers événemens ont fait naître, il semble que celui de la Grèce soit tout opposé. Pour elle la temporisation est aussi mauvaise qu’elle est bonne pour la Porte, et elle ne doit pas avoir de plus pressante préoccupation que d’y mettre un terme. Nul ne sait, en somme, ce qui peut sortir de la confusion actuelle, si elle se prolonge encore pendant un certain nombre de semaines ou de mois. Des symptômes fâcheux se produisent sur certains points de la péninsule balkanique. L’état de la Crète, sur lequel nous allons revenir, n’est pas plus rassurant. Dans ces conditions, la Grèce ferait bien de songer que l’ennemi est à la porte de sa capitale et qu’il y a une souveraine imprudence à l’y laisser plus longtemps. Si des complications nouvelles se produisaient, leur premier