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inconcevable inertie, les puissances ont laissé le champ libre au sultan, et celui-ci en a profité. Qui pourrait s’en étonner ?

L’abstention des uns, l’activité des autres, les continuelles distractions de ceux-ci, l’attention constante que ceux-là portent au développement d’une situation où ils interviennent toujours habilement, ne rendent pas pour l’avenir la situation plus facile. Le sens qui manque le plus au concert européen est celui de l’opportunité. Il y a, dans la plupart des questions, un moment psychologique où elles se résolvent presque toutes seules : l’Europe semble prendre soin de le laisser échapper toujours. Nous espérons qu’elle viendra quand même à bout de la tâche qu’elle a entreprise ; mais elle aura employé pour cela infiniment plus de force qu’il n’aurait été nécessaire. Le concert européen sera jusqu’au bout la machine de Marly de la diplomatie.


Nous aurions voulu parler avec quelques détails de l’échec final devant la Chambre des députés prussienne du projet de loi contre les associations. C’est une grande victoire pour le libéralisme allemand ; elle n’a été gagnée qu’à quatre voix de majorité, mais enfin elle a été gagnée, malgré l’insistance de M. de Miquel et la formidable pression qui a été exercée sur les nationaux libéraux. Ils y ont résisté héroïquement, à deux ou trois exceptions près, et ont réparé par là bien des soumissions et des complaisances passées. On ne saurait dire encore si le gouvernement se résignera à son échec, ou s’il cherchera à prendre sa revanche dans la session prochaine. Pour le moment les Chambres sont en vacances, et l’empereur, après sa croisière dans les mers du Nord, est en Russie où il rend à Nicolas II la visite de Breslau. Un autre sujet nous sollicite.


L’événement le plus important de ces derniers jours a été la dénonciation par l’Angleterre de ses traités de commerce avec la Belgique et l’Allemagne. Le premier de ces traités porte la date du 23 juillet 1862, le second celle du 30 mai 1865 : c’est donc un régime économique de plus de trente ans qui est, sinon condamné, — nous ne croyons pas qu’il le soit, et sur ce point l’opinion s’est un peu égarée chez nous, — au moins remis en question dans des circonstances assez délicates et pour un motif qui mérite d’attirer tout particulièrement l’attention. Ce motif tient à la politique impériale que, sous l’impulsion de M. Chamberlain, suit actuellement le gouvernement britannique, n’s’agit d’établir des liens plus intimes entre les colonies et la métropole, et quels liens peuvent l’être plus que ceux qui sont formés par les intérêts matériels ?