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en Suède, ce tableau lui vaut d’être désigné pour exécuter, selon sa libre inspiration, une œuvre qui doit représenter l’art Scandinave à l’Exposition de 1855. Höckert se souvient des ébauches faites au cours de ses excursions dans le nord et, en quelques mois, achève son Service divin en Laponie[1].

Dans une salle de prêche, aux murs de bois sombres et nus, une vingtaine d’hommes et de femmes sont groupés autour d’une chaire basse où un prédicateur commente un texte sacré. Un grossier lampadaire, une croix et quelques balustrades, sur lesquelles s’appuient les auditeurs, forment tout le décor. Les personnages sont montrés en des attitudes vivantes, interrompant à peine la vie du dehors : les hommes, armés, en équipemens de chasse, les femmes berçant leurs enfans : au milieu du plancher un chien étale son sommeil. Le jour, reflété brutalement à l’extérieur par la neige, entrecoupé par les carreaux d’une étroite fenêtre, fait ressortir l’épaisseur des physionomies ; dans l’ombre, la figure du prêtre apparaît, plus fine et très douce.

L’impression première est d’un réalisme un peu gros : une expression de repos physique, de bien-être lourdement recueilli se dégage de ces personnages aux sauvages allures : peu à peu, dans le regard d’une femme, dans le mouvement d’attention grave d’un homme, un sentiment nouveau se dévoile qui les montre toujours simples et tranquilles, mais dominés par une conviction sincère. Ce mélange de naturalisme et de mysticisme est un double caractère de l’âme primitive Scandinave, simplement rendu par le peintre et, pour la première fois, exprimé dans sa sincérité.

Höckert donna encore, à Paris, l’Intérieur d’une hutte lapone, de semblable conception ; puis, retournant définitivement dans son pays, il entreprend une série de tableaux de genre, représentant les mœurs et les paysages de Dalécarlie. C’est une collection précieuse de types nationaux, vigoureusement dessinés avec cette franchise d’expression qui caractérise ce talent. Vers la fin de sa carrière, Höckert revint au genre historique et termina son Incendie du palais de Stockholm en 1697 qui passe en Suède pour son chef-d’œuvre. Moins nettement que Fogelberg peut-être, il avait compris ce qu’un artiste peut emprunter à

  1. Ce tableau fut acquis par l’État français et envoyé au musée de Lille sous ce titre : Un prêche en Laponie.