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convention dans l’arrangement des personnages ; les lumières sont naturelles, très claires, les attitudes simples, sans brutalité : c’est l’expression sincère d’un fait ayant une valeur d’émotion dégagée par le peintre ; il l’a sentie sans recherche, sans souci de grossir l’effet. Le même caractère de vérité se retrouve dans les intérieurs, dans les compositions décoratives de Pauli et s’affirme surtout dans les dernières œuvres de Von Rosen ; celui-ci, après d’indifférentes scènes du moyen âge, a donné des portraits tout à fait intéressans : celui de son père, figure toute en clarté, sans ombre, sans relief apparent et un Nordenskiöld dans les glaces, audacieux essai de portrait-paysage : l’explorateur est debout, bâton ferré en main, au milieu des glaçons ; sa silhouette s’enlève sur des blancheurs profondes qui laissent apercevoir au loin un navire bloqué dans la banquise. Artiste plus fin, de talent très souple, Richard Bergh, abandonnant la manière de son maître Jean-Paul Laurens, expose chaque année des toiles gracieuses, paysages ou études de femmes, également marquées d’un sentiment délicat des nuances, fortifié par un dessin vigoureux ; dans les portraits de Bergh, aux tons clairs et mats, on remarque de plus en plus cet envahissement des caractères du paysage qui domine la production contemporaine. Nous allons constater un progrès identique dans l’œuvre des deux peintres qui, chefs de l’école suédoise, partagent aujourd’hui une maîtrise incontestée : Carl Larsson et Anders Zorn.


V

Larsson[1] résume l’esprit Scandinave dans la fraîcheur et la hardiesse de ses enthousiasmes : on sent en lui un épanouissement de vie et de jeunesse, l’ardeur débordante d’une génération parvenue à une période d’ambition plus haute et de création plus active. Son originalité est surtout d’être un artiste dans toute l’ampleur du terme, un chercheur du beau pour qui tous genres doivent être tentés ; il est décorateur, aquarelliste, caricaturiste, graveur, sculpteur ; il fait des vers, il a fait de la critique philosophique. Une verve spontanée, une facilité de travail jamais lassée, s’appuyant sur une connaissance solide du métier, lui ont permis d’être toujours également heureux ; de sa personne et de

  1. Larsson est né à Stockholm en 1855. Une de ses premières aquarelles, intitulée : Céramiques, est au Musée du Luxembourg.