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ESSAI SUR GŒTHE

VI.[1]
LE GRAND ŒUVRE

Un des écrivains qui, depuis quelque temps, osent discuter la gloire de Gœthe, M. Dowden, reproche à Faust, « abandonné pendant des années, repris, puis abandonné encore et repris une fois de plus », de « manquer de colonne vertébrale » ou peut-être d’en avoir « plusieurs dont aucune n’est complète ». Les fanatiques, au contraire, s’extasient sur ce long travail persistant, dont les rémittences ne firent que favoriser l’action mystérieuse de l’Inconscient, qui mûrit lentement l’œuvre suprême en la pénétrant de tous les sucs, de toutes les sèves de la Vie. Ces deux opinions extrêmes dégagent une vérité commune : quelque jugement qu’on porte sur l’existence de Gœthe, que les œuvres qu’il en a tirées paraissent « fragmentaires », comme le dit M. Dowden, ou parfaites, comme le proclame le chœur des admirateurs, — Faust est celle de ces œuvres qui reflète le plus complètement cette existence. Elle en a tout le décousu, disent les détracteurs, — toute l’unité répondent les apologistes. Ce qui est certain, c’est qu’elle l’a remplie. Conçue par l’étudiant, elle fut achevée par le vieillard. Dès son apparition, et même avant, sur les fragmens qu’en lisait

  1. Voyez la Revue du 1er mai.