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négoce qui ne profitait qu’aux étrangers, l’Angleterre et la France la forcèrent à coups de canon à consommer leurs produits. Ces procédés ne produisirent point le résultat attendu. L’Angleterre parla en maîtresse, voulut imposer par violence ce qu’elle ne pouvait obtenir par habileté ; elle se heurta à la force d’inertie de l’immense « éponge » chinoise. La politique traditionnaliste de la Grande-Bretagne échoua pour la première fois contre un peuple endormi dans ses traditions, contre une monarchie qui prend l’immutabilité pour la force. Cette admirable diplomatie anglaise, si disciplinée et si souple, ne réussit pas en Extrême-Orient. Elle eut des sauts trop brusques qui déconcertèrent et effrayèrent l’immobilité chinoise. Tantôt elle a soutenu ouvertement des provinces révoltées contre le Fils du Ciel et préparé des projets de démembrement, tantôt au contraire elle a adroitement prêté à la Chine ses bons offices ; tout a été inutile. En vain les Anglais ont donné aux Chinois des instructeurs pour leur marine, organisé sur les côtes cet excellent système de douanes qui est le seul revenu régulier et liquide de l’empire ; dans tous ces services intéressés, la Chine n’a vu que des moyens d’introduire chez elle les sujets et les marchandises britanniques. — Entre l’Angleterre qui cherchait à brusquer la solution de la question d’Extrême-Orient, et la Russie qui avait intérêt à la retarder, la Chine, naturellement, se tourna vers la Russie.

Pendant la guerre sino-japonaise, l’Angleterre a achevé, par les fluctuations de sa politique, de perdre son crédit en Extrême-Orient. Depuis longtemps, elle méditait d’occuper les îles Chusan, position stratégique de premier ordre, et de s’installer dans cette luxuriante vallée du Yang-tse, qui est comme l’artère principale de l’immense corps chinois ; 15 000 hommes, disait-on, devaient suffire à la conquête de cette autre Égypte. On avait tout préparé pour la réussite ; le Transcanadien, les Empress étaient là pour transporter les troupes. Peu s’en fallut que ce plan ne s’exécutât au début de la dernière guerre ; il y eut un débarquement aux îles Chusan ; mais les escadres étrangères veillaient, des croiseurs vinrent jeter des regards indiscrets sur les opérations anglaises ; les troupes filèrent sur Hong-Kong ; il fut convenu qu’elles n’avaient jamais eu d’autre destination. Leurs projets renversés, les Anglais changèrent de tactique : les loups se firent bergers. La diplomatie anglaise chercha à arrêter le Japon dans le cours de ses triomphes, à rendre les puissances garantes de