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de les envoyer combattre ; la nation est devenue guerrière ; son embarras serait véritablement de les recueillir dans le sein de la République sans être exposé à des mesures et à des commotions dangereuses. »

C’est la guerre indéfiniment étendue, pour affermir la conquête, pour nourrir, pour occuper les armées. S’ils entrevoient, par instans, par éclaircies fugitives, cette suite de leur système, ils sont alors pris de peur, et ils voudraient arrêter le temps, suspendre le jeu fatal des effets et des causes ; mais toute leur politique ne va qu’à ruser avec la destinée qu’ils se sont faite eux-mêmes : retarder la guerre générale, jusqu’à ce qu’ils se sentent les plus forts ; gagner, s’il est possible, le temps de battre les ennemis en détail. C’est ainsi qu’ils tâchent de contenir l’Autriche, de l’empêcher de redescendre en Italie. « La guerre ! dit Rewbell à Sandoz, qu’y gagnera l’empereur ? » Le Directoire tâche, de nouveau, de le piper à l’appât d’un partage en Allemagne. Puis il dénonce les ambitions de l’Autriche aux petits princes allemands, et tâche de les liguer, afin qu’ils barrent la route du Rhin et de la France aux armées impériales. En même temps, et à tout événement, pour effrayer les princes, s’ils subsistent, pour les remplacer par des républiques, s’ils succombent, le Directoire pousse sa propagande dans leurs États, essayant d’y jouer le jeu qu’il a joué en Piémont. Alquier à Munich, Bacher à Ratisbonne, Trouvé à Stuttgart travaillent les gazettes, les « amis des lumières », les francs-maçons, tout ce qui est susceptible, de s’agiter, de cabaler et de neutraliser les gouvernemens. À ces agens attitrés, se joignent les émissaires secrets qui pullulent et les affiliés de bonne volonté, comme à Stuttgart, le Danois Wächter et le Hollandais Strick. A Munich, Alquier est chargé de faire des ouvertures formelles. Il trouve là un prince nouveau, Charles-Théodore, et un ministre ambitieux, Montgelas. Il tâche de les gagner. « Les princes, leur dit-il, ont à s’occuper du soin de leur conservation ou de leur agrandissement. » Si la Bavière s’allie à la République, non seulement elle sera défendue contre l’Autriche, mais elle sera agrandie aux dépens de cette puissance. Ce sont les promesses que Napoléon accomplira en 1805. Mais le Bavarois, le Wurtembergeois demeurent, comme l’écrit Trouvé, « tiraillés entre la peur de l’Autriche et la peur de la République » ; ils attendront, toujours prêts à trahir le plus faible, à partager avec le plus fort. Seul le landgrave de liesse, plus éloigné de