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les négocians à accumuler des quantités d’autant plus grandes qu’ils peuvent les obtenir à moins de frais, et que les chances de relèvement augmentent en même temps que le niveau s’abaisse : mais l’expérience nous apprend que toute dépréciation prolongée décourage le commerce et que c’est au point inférieur de la courbe des prix que correspond en général la dépression extrême du stock en réserve. Il faut ajouter que ce bas prix ralentit souvent la production elle-même, quoique, en matière de céréales, les conditions atmosphériques aient une influence décisive : une culture organisée comme la nôtre, dont les assolemens sont réglés pour une série d’années, ne saurait se modifier sous l’influence des changemens brusques de mercuriales ; elle ne fait pas varier ses emblavures dans une proportion comparable avec celle des fluctuations du cours des produits.

L’étude de ces dernières doit se faire à la fois en France et au dehors, dans un pays où les droits de douane n’existent pas et où par conséquent le prix du blé est l’expression exacte de l’équilibre qui s’établit entre l’offre du producteur et la demande du consommateur : nous avons nommé l’Angleterre. Le prix que paie, à Londres ou à Liverpool, l’acheteur de blé américain est celui que reçoit le fermier de l’Ohio ou de la Californie, déduction faite du transport par terre et par eau, élément essentiel du prix, et du bénéfice de l’intermédiaire. Le prix payé pour le même blé à l’intérieur des frontières françaises est constitué par les mêmes élémens, plus sept francs par quintal que perçoit le fisc. Théoriquement le prix du blé à Paris devrait donc être égal au prix de Liverpool augmenté de ces sept francs et aussi de la différence entre les frais de transport du lieu d’origine à Liverpool et ceux du même transport jusqu’à Paris.

En admettant en effet que le fret de New-York au Havre ne soit pas plus élevé que celui de New-York à un port anglais, il y aurait toujours à y ajouter le coût du transport par chemin de fer ou par voie fluviale de la côte à Paris. Mais la réalité est loin de présenter cet écart mathématique : mille raisons le font varier dans un sens ou dans l’autre. Tantôt le cours du blé en France est inférieur à la parité des marchés libres du dehors ; tantôt il lui est supérieur. Ainsi, au printemps de 1897, alors que des craintes s’élevaient déjà sur divers points du globe au sujet de la récolte de l’année et que les stocks étaient descendus à la moitié de ce qu’ils étaient en 1895 et aux deux cinquièmes de ce qu’ils