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chaque instant modifier la situation, comme il était bien difficile de s’entendre de loin, une nouvelle rencontre avait paru nécessaire afin de mieux se concerter sur les points qui semblaient essentiels. Après avoir obtenu un passeport, Gerbier s’était donc rendu à Bruxelles vers la fin de février 1627. Il était également muni d’une lettre de créance du duc de Buckingham pour Rubens et d’une proposition du duc relative à la cessation des hostilités, moyennant un traité entre l’Espagne, l’Angleterre, le Danemark et les États généraux des Provinces-Unies, pour un délai de deux à sept années, pendant lesquelles on travaillerait à l’établissement définitif de la paix. Rubens ayant répondu de la part de l’Infante que, pour simplifier la question, il serait préférable que le roi d’Angleterre traitât seul avec le roi d’Espagne en laissant les deux autres parties en dehors, Gerbier était retourné en Angleterre pour soumettre cette proposition à son maître. Celui-ci l’avait agréée sous la réserve que les Provinces-Unies seraient également comprises dans l’arrangement, à raison de l’alliance très ancienne conclue entre elles et le souverain de la Grande-Bretagne ; mais ce dernier s’engagerait à faire tout son possible pour que les conditions émises par les Hollandais fussent acceptables.

Philippe IV, à qui l’Infante avait transmis ces ouvertures (17 avril 1627). tout en approuvant la réponse favorable faite par sa tante, se trouva dans un grand embarras, car, le 20 mars précédent, le duc d’Olivarès et l’ambassadeur de France venaient de signer à Madrid un traité d’alliance en vertu duquel la France et l’Espagne s’engageaient non seulement à poursuivre à frais communs une guerre offensive contre l’Angleterre, mais même, en cas de succès, à partager entre elles ce pays, afin d’y rétablir la foi catholique. Pour se tirer d’affaire, avec une duplicité qui témoigne des procédés déloyaux alors en usage, Philippe IV autorisa l’Infante à poursuivre les négociations avec Buckingham, mais en cherchant à gagner du temps et sans rien conclure. Afin d’éviter les justes réclamations de la cour de France au cas où elle connaîtrait le pouvoir remis à Isabelle, ce pouvoir était antidaté de quinze mois. Dans la dépêche du 15 juin 1627 qui raccompagnait, le roi, avec l’esprit hautain qui lui était propre, témoignait à sa tante son étonnement et son déplaisir « de ce qu’un peintre fût employé à des affaires de si grande importance. » « C’est là, disait-il, une chose qui peut jeter un discrédit bien légitime sur cette monarchie ; car son prestige doit