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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre.


Il faut revenir aux affaires d’Orient, puisqu’elles restent la grande préoccupation de l’Europe. On les croit toujours à la veille de recevoir une solution, qui n’arrive jamais. Elles sont très complexes, nul ne l’ignore, et, dans le nombre, les affaires de Crète, bien qu’elles aient été un peu négligées depuis quelque temps, occupent une place considérable. Mais pourquoi ont-elles été négligées ? Pourquoi en parle-t-on moins qu’autrefois ? Pourquoi l’effort du concert européen se porte-t-il tout entier d’un autre côté, sans qu’on paraisse se douter qu’il suffirait d’en détourner une assez faible partie pour résoudre une question qui a été à l’origine de toutes les difficultés actuelles, et qui renferme dans ses flancs le principe de toutes les difficultés que la politique tortueuse de telle ou telle puissance voudra en faire sortir plus tard ? Il semble, en vérité, qu’on craigne de dénouer trop vite le conflit turco-grec, et qu’on veuille réserver une autre question, une question de seconde ligne, pour continuer de brouiller les cartes et d’exercer la patience de la diplomatie. Rien n’aurait été plus facile, il y a quelques semaines, que d’arriver à une solution. Est-ce plus difficile aujourd’hui ? Non : il suffirait d’un peu de bonne volonté. On en est venu de part et d’autre, en Crète, à une telle lassitude qu’on accepterait un dénouement quelconque comme une libération. Mais l’Europe a d’autres occupations qui absorbent son activité. Après avoir maintes fois répété, on sait sur quel mode solennel, qu’elle prenait la Crète en charge, qu’elle devenait responsable de ses destinées, qu’elle montrerait là tout ce qu’elle pouvait et savait faire, qu’elle y créerait une sorte de type sur lequel se modèleraient les autres provinces qui, dans la suite des siècles, se détacheraient de l’Empire ottoman, elle a oublié ses engagemens et ses promesses, ou du moins elle en a ajourné la réalisation à des temps indéterminés. C’est une grande faute, et qui grandit tous les jours. Si la situation intérieure de la Crète ne s’aggravait pas continuellement, il n’y aurait que demi-mal à ces retards,