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de jonction des grandes voies fluviales ou des routes de terre ; ces forts primitifs, étapes de la civilisation ou seuils d’accès, sont devenus aux États-Unis, en moins d’un siècle, des cités populeuses. D’autres sont en passe de le devenir : tels Dawson dans la région du Klondyke, et Juneau au nord de Sitka. Je me souviens du temps où Sitka, située dans l’île de Baranof, semblait appelée à devenir l’un des grands ports de commerce de l’Alaska. Ses mines d’or, de charbon, de cuivre faisaient concevoir des espérances que justifiaient son port vaste et sûr, ses immenses forêts et ses bois de construction. Pour avoir été ajournées, ces espérances n’en vont pas moins se réaliser, et le jour est venu où les Américains vont apporter leur esprit d’entreprise et leur génie commercial dans cette région que nous venons de décrire telle qu’elle était au moment où quelques mineurs hardis y révélaient l’existence de richesses qui dépassent, dit-on, celles de la légendaire Golconde et aussi celles de la Californie, de l’Australie et de l’Afrique méridionale, connues depuis à peine un demi-siècle.


II

Il y a près de quarante années que la présence de l’or dans les régions à demi polaires de l’Alaska et de la Colombie Britannique a été constatée. Au mois d’avril 1858, le bruit se répandit à San-Francisco que l’on venait de rencontrer des gisemens d’une richesse inouïe, sur les bords de la rivière Fraser, dans la Colombie Britannique, et à 100 milles de l’océan Pacifique. A l’appui de cette assertion, on envoyait des échantillons de poudre d’or très pur, recueillie dans le sable, et on affirmait que, quand la rivière, très haute alors par suite des pluies d’hiver et de la fonte des neiges, viendrait à baisser, on récolterait d’énormes quantités du précieux métal, les échantillons envoyés n’étant que le résultat de quelques jours de travail d’une petite bande de mineurs. Au reçu de ces nouvelles, un vent de folie passa sur la population. On ne parlait plus que des mines du Fraser. Tous les paquebots disponibles s’annonçaient en partance pour les nouveaux placers ; une armée de mineurs descendait sur San Francisco pour s’embarquer. On put croire, un moment, que c’en était fait de la Californie. Du 20 avril au 9 août, 23 428 émigrans partirent ; les autres, maudissant la fortune adverse, cherchaient à faire argent de tout pour les suivre. A San