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A notre avis, il est difficilement admissible que, dans le système du protectorat, la nation protectrice soit mise sur le même pied que les autres à l’égard du pays protégé. C’est pourtant ce qu’ont soutenu l’Angleterre et l’Italie, et ce qui a prévalu jusqu’à ce jour dans nos rapports avec elles ; il est vrai que le texte du traité du Bardo nous liait d’une manière plus particulièrement étroite au respect des conventions antérieures. Quoi qu’il en soit, la Régence s’est trouvée dans l’impossibilité de nous accorder une faveur commerciale sans qu’aussitôt les autres puissances qui avaient des conventions avec elle s’en prévalussent, et dès lors elle a dû y renoncer sous peine de voir ses finances compromises. D’autre part, les protectionnistes, si actifs et si puissans chez nous, n’ont pas consenti à lui accorder à elle-même, pour l’importation de ses produits en France, des diminutions de taxes qui ne devaient pas rencontrer de réciprocité. Il en est résulté une situation anormale, difficile, et particulièrement onéreuse pour les colons français qui avaient employé avec confiance leurs capitaux en Tunisie, qui y avaient apporté leur travail, et qui ne pouvaient introduire en France les produits de leurs vendanges ou de leurs moissons sans payer pour eux les mêmes taxes douanières que les produits italiens ou espagnols. Cette situation a duré jusqu’en 1890. À cette époque, une loi a autorisé l’entrée en franchise, en France, d’une certaine quantité de produits tunisiens, déterminée chaque année par un décret du Président de la République. C’était une atténuation légère à un mal devenu intolérable, grâce à un procédé empirique qui laissait subsister la question tout entière. Enfin l’année 1896 a mis fin au traité italien : nous l’avons renouvelé, après y avoir introduit les correctifs nécessaires, parce que nous n’entendions pas faire une œuvre de prohibition, mais seulement d’équité. Nous en avons supprimé, en ce qui concerne son application à la France, la clause de la nation la plus favorisée, tout en la laissant subsister à l’égard des autres puissances. Quant à l’Italie, elle a reconnu pour la première fois d’une manière formelle notre établissement politique en Tunisie avec toutes ses conséquences, et cette négociation qui, à une autre époque, aurait pu provoquer de dangereux dissentimens entre elle et nous, a resserré au contraire nos rapports et les a rendus plus cordiaux. Mais restait l’Angleterre avec son traité perpétuel. Aussi longtemps qu’il durait, rien n’était fait. Les autres nations continuaient de bénéficier des avantages dont jouissait l’Angleterre, et celle-ci aurait joui de ceux qui auraient pu être accordés à la France. Il ne servait donc à rien d’avoir modifié les autres traités si on n’obtenait pas de l’Angleterre la révision