Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/784

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de 2 à 5 pour 100 de la population ; ou de 5 à 10 pour 100, comme Vienne ; ou de 10 à 15 pour 100, comme Prague ou Presbourg ; il y en a aussi, comme Budapest, où ils atteignent de 15 à 25 pour 100 ; comme Lemberg ou Grosswardein, 25 à 50 pour 400 ; et une douzaine de villes secondaires en Galicie, où ils dépassent 60 pour 100. En termes généraux on peut dire que, plus on marche en Autriche-Hongrie de l’ouest à l’est, plus la proportion des Israélites s’accroît, jusqu’à ce que, dans le fond de la Galicie, elle s’élève presque au point d’y former un État juif.

L’aire ou le domaine des religions ne coïncide, du reste, pas avec les divisions géographiques ou politiques, avec l’aire ou le domaine des races et des langues. En une même province, la Galicie, tout ce qui n’est pas juif est catholique dans les districts occidentaux, grec uni dans les districts orientaux. La Hongrie est comme écartelée entre les catholiques dans l’ouest, les protestans dans le nord et au centre, les Grecs unis dans l’est, les Grecs orthodoxes dans le midi. En Croatie et Slavonie, les comitats croates sont catholiques, mais les comitats serbes, distraits des Confins militaires abolis, sont grecs orthodoxes. Dans une seule. ville de Galicie, Lemberg, voisinent un archevêque catholique, un archevêque grec uni et un archevêque arménien ; car la table des religions de l’Autriche-Hongrie serait incomplète, si l’on y oubliait quelques communautés arméniennes et un demi-million de musulmans en Bosnie-Herzégovine.

Deux des plus efficaces agens d’unification, deux des instrumens les plus aptes à transformer des nationalités en nation, une langue commune, une foi commune, ont donc fait défaut à la monarchie austro-hongroise ; mais plutôt, tous ces agens et tous ces instrumens lui ont fait défaut à la fois. Comme il n’y avait pas une langue nationale, il n’y a pas eu, il ne pouvait pas y avoir une littérature nationale. Il n’est pas excessif de dire que les Allemands d’Autriche n’ont guère eu d’autre littérature nationale que la littérature allemande. Et s’il y a eu une littérature tchèque, — dont tous les monumens n’ont peut-être pas, du reste, la vénérable antiquité qu’on leur a pieusement attribuée, — et une littérature magyare, elles n’ont eu de vigueur et de vertu, celle-ci que pour les Magyars et celle-là que pour les Tchèques. Mais d’action nationalisante, elles n’en ont pas exercé, ni la littérature tchèque sur les autres Slaves d’Autriche, ni la littérature magyare sur les autres races de Hongrie ; bien loin d’en exercer une entre