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soulagement. Mais c’est dans l’organisation même de ces croisades variées que réside l’originalité de la Mission. Dans chaque grande ville, le pasteur attitré de la Mission Intérieure (Vereinsgeistliche) rassemble sous un même toit les diverses associations (Vereine) et les comités directeurs des établissemens de bienfaisance ; c’est sous ce toit, aussi, que viennent prendre conseil et direction les bonnes volontés jalouses de dévouer leur temps ou leur argent à l’accroissement du règne de Dieu ; riches et pauvres qui cherchent du travail, les uns pour ne point mourir d’ennui, les autres pour ne point mourir de faim, connaissent cette maison bienfaisante ; et parfois, pour remplir le rôle d’informateurs et de guides, la Mission Intérieure sait choisir des hommes d’élite qui, tout de suite, par le double ascendant de leur rôle et de leur personnalité, émergent au-dessus de la cohue des grandes villes : tel, par exemple, M. le pasteur Ostertag, à Munich.

En outre, l’emploi d’un même personnel établit entre toutes les œuvres de la Mission intérieure une solidarité constante et durable : plus de 13 000 diaconesses et plus de 2 000 « frères » composent ce personnel. L’institution des diaconesses, dans l’Eglise évangélique d’Allemagne, remonte à 1836 ; elle fut tout à la fois une réminiscence du rôle que jouaient les vierges et les veuves dans la primitive communauté chrétienne, une imitation des sœurs de charité catholiques, un emprunt, enfin, à certaines sectes de mennonites, qui dès le XVIIe siècle avaient créé des diaconesses. L’économie domestique, le soin des malades, l’instruction des petits enfans, sont les principales fonctions de ces pieuses femmes ; soumises au célibat, elles conservent toujours des rapports étroits avec l’institution qui les a formées ; malades, on les y soigne ; vieilles, on les y recueille. Les « frères » sont une création plus originale, dont l’honneur revient à Wichern : ils se recrutent parmi les ouvriers, les cultivateurs, les petits métiers ; l’instruction, fixée par des programmes, qu’ils reçoivent dans les maisons mères, a pour but d’affiner et de féconder la simplicité spontanée de leurs dévouemens ; elle leur inculque ce sommaire de connaissances dont ils ont besoin pour devenir infirmiers, instituteurs, surveillans de travaux, patriarches d’auberges, auxiliaires de missionnaires ; Wichern aurait voulu, même, qu’ils fussent acceptés comme gardiens de prisons. On laisse aux « frères » plus d’initiative qu’aux diaconesses ; le mariage leur est loisible ; il est même requis pour certaines des situations qu’ils